Alors que la guerre fait rage en Ukraine depuis plus de dix mois, le musée Rath à Genève offre une réaction constructive au chaos: l’exposition "Du crépuscule à l'aube". Un titre optimiste pour protéger des oeuvres mises en péril par les bombes. Une soixantaine de tableaux qui racontent la nuit autant d'une manière métaphorique que littérale. Sans style précis, les peintures flirtent à la fois avec l'impressionnisme, le symbolisme, le romantisme et l'académisme.
Dès le début du conflit, le gouvernement ukrainien avait sollicité une aide internationale pour protéger ses biens artistiques. En réponse, la ville de Genève s'était rapidement mobilisée afin d'envoyer des centaines de caisses vides pour assurer le transport sécurisé d'oeuvres d'art. Certaines d'entre elles, issues des collections de la Galerie nationale d'art de Kiev, sont à découvrir en ce moment même au Musée Rath à Genève.
Protéger l'art ukrainien
"Une opération complexe mais nécessaire, afin de protéger ce travail et de montrer la richesse de ces collections", affirme à la RTS Marc-Olivier Wahler, directeur du Musée d'Art et d'Histoire de Genève (MAH) auquel le Musée Rath s'y rattache.
Un opération parsemée d'embûches et dont les obstacles principaux étaient d'une part la communication et d'autre part la logistique. Les personnes en Ukraine, sous les bombardements, n'avaient régulièrement pas d'accès à internet pour cause de pannes d'électricité.
Au niveau logistique, personne ne voulait assurer le transport d'oeuvres dans un pays en guerre, donc de Kiev à la frontière polonaise, les peintures n'étaient tout simplement pas assurées.
Ça a été un réel soulagement lorsque l'on a vu la vidéo du camion traverser la frontière. Et le plus beau a été lorsqu'on a ouvert les caisses pour la première fois et découvert la qualité de ses peintures, c'était extraordinaire. Une opération complexe dont le fruit est cette magnifique exposition.
Le musée, un lieu de projection dans le futur
Pour Samuel Gross, conservateur et curateur de l'exposition, le contact quotidien avec des Ukrainiens sur place, l'a marqué. Il se souvient d'une anecdote terrifiante: "Une des femmes avec qui l'on travaillait sur Zoom a tourné un moment sa caméra et elle n'avait plus de vitre", confie-t-il à la RTS. D'où la nécessité absolue pour le curateur suisse de continuer à faire exister le champ culturel par delà les frontières.
L'un des artistes phares de cette exposition n'est autre qu'Arkhip Kouïndji. Ce peintre ukrainien du XIXe siècle a laissé derrière lui une oeuvre picturale impressionnante. Des paysages nocturnes extrêmement sombres qui peuvent s'habiller soudain de couleurs fluorescentes. Des tableaux faits d'ombre et de lumière, idée reprise dans le titre de cette exposition.
"Selon moi, les musées sont des espaces dans lesquels on peut se projeter dans le futur, affirme le conservateur. Les musées sont des lieux que l'on visite et vers lesquels on va revenir. Le simple fait de se dire que l'on peut revenir, c'est déjà se projeter dans le futur."
Un futur que l'on espère paisible et lumineux pour ce pays traumatisé par une guerre sans précédent.
Sujet radio: Florence Grivel
Adaptation web: Layla Shlonsky
"Du crépuscule à l'aube", Musée Rath, Genève, jusqu'au 23 avril 2023.