Le tableau d'une artiste suisse qualifié de "pédopornographique" par une élue du RN
Présentée au Palais de Tokyo dans le cadre de la rétrospective de l'œuvre de Miriam Cahn, le tableau "Fuck Abstraction" représente une personne sous contrainte, à genoux, forcée de pratiquer une fellation. Résultat, sur les réseaux sociaux, l'artiste suisse se retrouve accusée par certains de faire l'apologie de la pédocriminalité.
Pour l'association française "Juristes pour l'enfance", c'est un enfant qui est représenté. Du côté suisse, le Comité international pour la dignité de l'enfant (CIDE) s'est dit "profondément choqué" par cette oeuvre qui fait l'objet d'une pétition en ligne demandant son retrait. Elle a récolté à ce jour quelque 9500 signatures.
"Ce ne sont pas des enfants. Ce tableau traite de la façon dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre, comme crime contre l'humanité", selon l'artiste citée dans un communiqué du Palais de Tokyo à Paris.
Défense de la ministre de la Culture
Interpellée au sujet du tableau par la députée du Rassemblement national (RN) Caroline Parmentier, la ministre française de la Culture Abdul Malak a d'abord appelé à ne pas tout "mélanger", réaffirmant le "combat pour la protection de l'enfance et contre toutes les formes de violence" menée, a-t-elle dit, par son gouvernement.
"Vous êtes allée faire votre coup de com' et filmer ce tableau, mais avez-vous vu l'ensemble de l'exposition? Avez-vous échangé avec les médiateurs? Avez-vous lu les explications? Parce qu'on ne peut pas sortir une oeuvre de son contexte", a-t-elle poursuivi, citant les propos de l'artiste elle-même.
Dans la foulée, l'Observatoire de la liberté de création publiait un communiqué soutenant l'artiste. "Les artistes doivent pouvoir dénoncer ces crimes en pleine liberté. Comme le disait George Sand à propos de la littérature, 'L'écrivain n'est qu'un miroir qui reflète, une machine qui décalque, et qui n'a rien à se faire pardonner si ses empreintes sont exactes, si son reflet est fidèle'. Il en va de même pour la peinture, et ce débat qui a traversé déjà deux siècles a toujours conclu à la déconsidération des censeurs."
"Ne pas décontextualiser l'œuvre"
"On ne peut pas décontextualiser une telle œuvre d'art", rappelle Philippe Bischof, directeur de la Fondation Pro Helvetia, qui a soutenu financièrement l'exposition.
Et d'ajouter: "Cette énorme rétrospective offre la possibilité de lire l'oeuvre de Miriam Cahn sur des décennies, sur toute une carrière d'engagement contre la violence et contre l'abus. […] Si l'on sort une image sans le moindre contexte sur les réseaux sociaux, on ne veut pas vraiment provoquer un débat."
L'exposition est en effet accompagnée d'un important travail de médiation et la violence des œuvres est expliquée au public avec des affiches, rappelle Philippe Bischof, interrogé dans l'émission Forum de la RTS.
Le 7 mars dernier, le Palais de Tokyo s'était d'ailleurs dit "conscient" que la démarche artistique de l'artiste pouvait "générer des malentendus" et avait annoncé qu'il renforçait son dispositif de médiation.
"Ce travail de médiation bien réfléchi est l'une des raisons du soutien de Pro Helvetia à cette exposition, poursuit Philippe Bischof. Il ne faut pas sous-estimer que le public que l'on veut atteindre avec cette exposition vient de tous horizons et n'est pas forcément habitué à l'art."
>> Lire à propos de l'exposition : Miriam Cahn au Palais de Tokyo, une exposition coup de poing
vajo avec ats