Le tableau de la Suissesse Miriam Cahn qualifié de "pédopornographique" reste accroché à Paris
Présentée au Palais de Tokyo dans le cadre de la rétrospective de l'œuvre de Miriam Cahn, le tableau "Fuck Abstraction" représente une personne sous contrainte, à genoux, forcée de pratiquer une fellation.
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Le tableau de Miriam Cahn "ne porte pas une atteinte grave et illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant ou à la dignité de la personne humaine", selon une ordonnance rendue vendredi par le Conseil d'Etat français.
Et d'ajouter: "Il relève, d'une part, que des mesures ont été prises pour dissuader l'accès des mineurs et, d'autre part, que les panneaux explicatifs tout au long du chemin d'accès permettent de redonner à ce tableau le sens que Miriam Cahn a entendu lui attribuer, c'est-à-dire de dénoncer les viols en Ukraine."
Horreurs de la guerre
Fin mars, le tribunal administratif de Paris avait déjà débouté les associations. Il avait estimé que "l'oeuvre ne saurait (...) être comprise en dehors de son contexte et du travail de l'artiste Miriam Cahn qui vise à dénoncer les horreurs de la guerre, ainsi que cela est rappelé dans le document de présentation de l'événement distribué au public".
Il expliquait qu'elle "traite de la façon dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre et fait référence aux exactions commises dans la ville de Boutcha en Ukraine lors de l'invasion russe, représentant crûment la violence subie par la population ukrainienne".
Public averti
Le tribunal avait souligné par ailleurs que le Palais de Tokyo a choisi d'exposer le tableau "dans une salle séparée avec d'autres oeuvres susceptibles de choquer le public" et mis en place des panneaux d'avertissement et des médiateurs susceptibles de répondre aux questions du public.
Depuis le 17 février dernier, l'exposition a accueilli près de 70'000 visiteurs "sans qu'aucune difficulté n'ait jamais été constatée par le Palais de Tokyo qui n'a reçu aucune plainte ou signalement des visiteurs et n'a pas recensé de mineurs visitant seuls l'exposition", ajoute-t-il dans son ordonnance.
Décision saluée par le Palais de Tokyo
Dans un communiqué, le Palais de Tokyo s'est félicité de la décision du Conseil d'Etat. "Le Palais de Tokyo regrette que cette affaire ait donné lieu à une instrumentalisation de cette oeuvre d'art, ainsi que la tentative de nier le rôle fondamental que jouent les musées partout dans le monde pour défendre les libertés dans le respect des droits de l'Homme".
Plusieurs grandes institutions françaises avaient souligné ce rôle dans une tribune collective intitulée "Un musée ne saurait se réduire à un lieu présentant des œuvres destinées à reposer le regard, divertir et instagrammer" et publiée le 8 avril dernier dans le quotidien Le Monde.
Polémique à l'Assemblée nationale
Cette oeuvre faisait l'objet d'une polémique, les associations Juristes pour l'enfance, PronoStop, Innocence en danger et Face à l'inceste y voyant une oeuvre à "caractère pédopornographique", face notamment au musée et aux défenseurs de la liberté artistique.
Près de 14'000 personnes ont signé une pétition en ligne pour demander son décrochage.
Interrogée par la députée du Rassemblement national Caroline Parmentier, la ministre française de la Culture Rima Abdul Malak avait appelé à ne pas tout "mélanger", réaffirmant le "combat pour la protection de l'enfance et contre toutes les formes de violence".
"Avez-vous vu l'ensemble de l'exposition? Avez-vous échangé avec les médiateurs? Avez-vous lu les explications? Parce qu'on ne peut pas sortir une oeuvre de son contexte", avait-elle poursuivi, citant les propos de l'artiste elle-même.
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vajo avec ats