Le terme "street art" est le nom donné au graffiti par les galeristes a posteriori. Il définit les peintures appartenant à ce mouvement, mais réalisées sur toile, support traditionnel en comparaison à l’espace urbain. Il rend également compte de toutes productions artistiques urbaines allant au-delà de l’écriture d’un "blaze"(pseudonyme).
Ce terme porte à confusion, car le "graffiti writing" a été assimilé à un marché et, par conséquent, à des productions commerciales éloignées de son style. Dans le marché de l’art, le succès des artistes issus de la scène graffiti new-yorkaise se situe entre 1980 et 1985 à New York principalement. Le marché quitte ensuite les États-Unis pour continuer en Europe avec des villes comme Paris ou Rome.
Comme l’exprime très bien Jeffrey Deitch, commissaire d’exposition américain emblématique des années 1980 à nos jours, "la différence [entre la pratique artistique et commerciale] réside entre les artistes qui ont établi de nouvelles formes esthétiques et celles et ceux qui ont pris le train en marche". En ce sens, la pratique du graffiti, illégale par essence, a bousculé les codes artistiques traditionnels lors de son intégration à l’histoire de l’art hégémonique blanche.
Développé et perpétué par des adolescents et adolescentes des quartiers défavorisés en périphérie de Manhattan, ce mouvement, issu de la culture hip-hop, est parvenu à exprimer son propre langage et à le transmettre aux générations futures. Le métro comme support de diffusion a permis de faire voyager les peintures de ces jeunes au-delà des frontières de leur ville.
Le street art est majoritairement commercial et par conséquent éloigné de la scène underground. Il ne témoigne pas de la "street crédibilité" propre à la pratique du graffiti et ne fait pas partie de la contre-culture.
Pour le monde de l’art, le street art est perçu comme étant une sous-culture populaire, dérivée de la culture dominante. Malgré son panel de techniques et de références pop (comics, dessins animés, cinéma, etc…), il n’évoque pas la même tension que le travail les artistes new-yorkais Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat qui ont collaboré sur plus de 160 œuvres entre 1982 et 1987.
Cette rencontre a créé un dialogue entre le pop art du premier et l’énergie de la scène graffiti new-yorkaise du second par le prisme de la peinture contemporaine. Elle pose les jalons du street art qui sera développé au dernier chapitre, à savoir le dialogue du graffiti avec l’art contemporain.
Cette rencontre picturale n’est pas isolée. D’autres occurrences durant les mêmes années sont à noter, à l’instar d’Olivier Mosset, peintre suisse qui effectuera une œuvre en collaboration avec Fab 5 Freddy. Ou Jenny Holzer, artiste conceptuelle américaine qui travaillera en duo avec Lady Pink, surnommée "première femme du graffiti". Elles ont réalisé à quatre mains une série de peintures qui ont été exposées au sein d’institutions muséales comme la Fondation Louis Vuitton (Paris), le Mamco (Genève) ou encore au MoMa (New York).
Ces exemples témoignent de rencontres entre le graffiti et l’art contemporain durant les années 1980. Ainsi, ils évoquent une lecture de la "grande histoire de l’art" par le prisme de l’énergie urbaine et stimulent, dès ce moment, l’inclusion d’artistes racisés dans le réseau du monde de l’art.