Presque dix ans après sa disparition en 2014, la Neuchâteloise Emilienne Farny, figure marquante de la peinture contemporaine suisse, se voit consacrer une première rétrospective. Une initiative du Musée d'art de Pully et de l'historien de l'art Michel Thévoz, son compagnon.
Après avoir étudié à l'Ecole cantonale des beaux-arts de Lausanne, Emilienne Farny part pour Paris dans les années 1960. À son retour dix ans plus tard, les toiles de l’artiste sont à la fois révélatrices d’un choc et critiques vis-à-vis de la Suisse étriquée de l’époque: des villas aux contours parfaits, des haies et jardins propres en ordre. Un vrai "Bonheur suisse", qui devient le nom de la première série qui la fera connaître auprès du public.
Westerns américains et pop art
"Pendant ses années parisiennes, Emilienne Farny exerce plusieurs métiers. Elle est illustratrice de mode, dessinatrice de publicité, danseuse et mannequin, explique à la RTS Laurent Langer, co-commissaire de l’exposition. À côté de cela, elle peint. Elle adore le cinéma, découvre les westerns américains et le pop art dans les galeries parisiennes. Elle fréquente les artistes de l’époque, via le mouvement de la nouvelle figuration notamment."
Une vie foisonnante interrompue en 1972, lors de sa rentrée en Suisse. Inspirée par des artistes comme Roy Lichtenstein, Andy Warhol ou Edward Hopper, Emilienne Farny crée une œuvre avec toute la palette du pop art. Son sujet de prédilection étant l’urbanité, bâtiments, rues et grues parisiennes ornent alors ses tableaux. Puis à la fin des années 1980, des humains font leur apparition dans sa série "Seuls". Elle y peint des hommes de dos, le regard fuyant, dans des parkings, des garages et des entrepôts. Peut-être comme une vitrine de sa propre tristesse et de sa distance face au monde.
Le regard inaccessible
"Emilienne Farny travaille d’après photo pour tous ses tableaux. Le refus de l’échange de regard entre ses modèles et les spectateurs que nous sommes ajoutent encore à cette distanciation. C’est exactement ce qu’on voit dans sa série intitulée 'Le regard', où chaque modèle porte des lunettes de soleil. C’est la seule fois où les personnages font face aux spectatrices et spectateurs, mais ils nous refusent l’accès à leur regard", conclut Laurent Langer.
Sujet TV: Chloé Steulet
Adaptation web: Myriam Semaani avec ats
Emilienne Farny, "Le regard absolu", Musée d'art de Pully, jusqu'au 3 décembre 2023.