Léonard Gianadda: Martigny, "seule ville suisse où tous les feux rouges sont remplacés par des oeuvres d'art"
Léonard Gianadda est indissociable de la ville de Martigny et de sa fondation dédiée à la culture. Créée en 1977, en mémoire de son frère Pierre, elle a attiré des millions de visiteurs depuis son inauguration en 1978.
Agé de 88 ans, Léonard Gianadda vient de sortir sa biographie intitulée "Toute une vie". Mais selon lui, c'est plutôt "des vies, des vies tellement différentes". Celui qui a été ingénieur, photographe, galeriste puis mécène rappelle d'ailleurs qu'il a été "le premier correspondant pour la Télévision suisse romande pour le Valais en 1957".
"Quand on dit 'chacun son métier et les vaches seront bien gardées', je peux vous dire que ce n'est pas le cas", s'amuse-t-il.
Je dis souvent que j'ai perdu une vingtaine d'années à gagner de l'argent... mais ça m'a servi pour la suite
Devenu promoteur immobilier, il raconte avoir "construit à peu près 1500 appartements dans la région". "Je dis souvent que j'ai perdu une vingtaine d'années à gagner de l'argent... mais ça m'a servi pour la suite".
Dans son rôle de mécène, Léonard Gianadda arrive à attirer de grandes expositions à Martigny. Expliquant qu'il est important de voir les gens, il raconte avoir rencontré il y a quelques mois à Paris le président des musées d'Orsay et de l'Orangerie Christophe Leribault. Il lui propose un repas et tous deux se revoient quelques temps après. Le Valaisan lui glisse alors: "Si vous avez une idée d'exposition, ça peut m'intéresser". Peu après, il reçoit une proposition pour une exposition Cézanne - Renoir. "Ce sera l'été prochain", annonce-t-il.
"Pour l'exposition Turner, qui a eu un succès fou, c'est la Tate Gallery de Londres qui m'a contacté", savoure le Valaisan.
Une première catastrophique
L'aventure avait pourtant mal débuté, avec une première exposition montée par un historien de l'art en 1978, dont "la moitié des oeuvres étaient des faux et l'autre moitié des croûtes". Cette débâcle fait l'objet d'un article sans concession dans le journal 24 Heures. Après avoir hésité à "casser la figure" du critique d'art, il accepte de le rencontrer et ils finiront par collaborer sur plusieurs expositions, dont Klee, Picasso ou Giacometti.
Depuis, Martigny rayonne grâce à sa fondation. Et c'est "la seule ville suisse sans feu rouge, ils sont tous remplacés par des oeuvres d'art", glisse dans un sourire Léonard Gianadda, qui a financé l'installation de sculptures sur tous les giratoires. Signe de l'importance du personnage, le mécène rappelle qu'une seule mise à l'enquête a été faite, alors qu'un dix-neuvième giratoire va être doté d'une installation. "C'est un peu le Texas", mais "est-ce que vous connaissez d'autres cas avec des giratoires comme ça?", s'amuse le Valaisan.
Comment peut-on imposer des choses comme ça, renier sa nationalité, sa religion?
Ce petit fils d’un immigré italien insiste sur son attachement à la commune de Salvan, où son grand-père a acquis la bourgeoisie, "car il fallait avoir la nationalité suisse pour pouvoir obtenir des travaux subventionnés". Mais cet acte a aussi forcé son aïeul à renoncer à son passeport italien. Revenant sur un autre crève-coeur, il raconte comment son épouse Annette, de confession protestante, avait dû, elle, "renier sa religion" en s'installant en Valais. "Comment peut-on imposer des choses comme ça, renier sa nationalité, sa religion?", s'indigne Léonard Gianadda. "Bon, ça a changé depuis, heureusement", salue le Valaisan, désormais citoyen d'honneur de la commune de Salvan.
"Les millions de visiteurs, c'est fini"
Interrogé sur sa succession, il commence par rappeler que le musée archéologique, la saison musicale, le musée de l'automobile et le parc de sculptures resteront. Pour ce qui est de "l'animation, des expositions, c'est un peu plus compliqué". Relevant le caractère "unique" de ce qu'il a accompli à Martigny, il pense que la Fondation Gianadda et "les millions de visiteurs, c'est fini", même si tout ne va peut-être pas s'arrêter.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Caryl Bussy