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Téhéran, objet d'analyse de la photographe Hannah Darabi

Photographie d'Hannah Darabi tirée de sa série "Soleil of Persian Square, 2022". [Hannah Darabi]
To be or not be so Tehran? / Vertigo / 6 min. / le 19 octobre 2023
Le Centre pour la photographie de Genève regroupe deux projets de lʹartiste Hannah Darabi sur la culture visuelle liée à lʹIran, pays d'origine de la photographe. "Soleil of Persian Square" et "Haut Bas Fragile" sont à découvrir jusqu'au 19 novembre.

Des racines qui reprennent racine ailleurs: là se situe tout l'enjeu du travail de la photographe Hannah Darabi. Malgré la distance avec le pays fui, l'Iran, au moment de la révolution de 1979, ces racines résistent et font fleurir un doux mélange entre terre natale et terre d'accueil, en l'occurrence Los Angeles, aux Etats-Unis, donnant naissance à un troisième territoire fictionnel nommé par contraction "Tehrangeles".

Dans son exposition "Soleil of Persian Square", l'artiste née en 1981 mélange des images prises dans le quartier de la diaspora iranienne de Los Angeles avec des vues de Téhéran, comme une plongée dans une histoire aux multiples entrées. Il est frappant de constater dans cet exode que ce sont les chanteurs de variété iraniens qui, dès la révolution de 1979, se sont installés à Los Angeles pour pouvoir poursuivre leur activité artistique. C'est donc par cette culture populaire que cette communauté va se souder.

Des similitudes urbanistiques

L'une des questions de la photographe était de savoir pourquoi autant d'Iraniens avaient émigré dans cette partie précise des Etats-Unis. "Je suis tombée sur une étude urbanistique récente qui révélait que dans les années 1960, qui sont des années importantes pour la modernité iranienne, le plan directeur de la ville de Téhéran avait été fait par deux architectes, un Iranien et un Austo-Américain du nom de Victor Gruen. Or, ce Victor Gruen est l'architecte de Los Angeles", explique à la RTS l'artiste.

Le plan montre des similitudes importantes entre les deux grandes villes, notamment les autoroutes qui relient les quartiers entre eux. "Depuis 2016, je suis installée à Paris, raconte Hannah Darabi. J'ai remarqué que [les autoroutes] n'étaient pas un élément naturel de la ville. A Paris, il y a un périphérique, mais il ne traverse pas les quartiers de la même manière".

L'Iran toujours au centre de sa démarche

L'Iran est au coeur de la démarche artistique de la photographe et l'a toujours été. Ses travaux posent la question passionnante de comment composer avec le fantasme que l'autre se fait de notre personne ou de notre culture. Avec son statut d'artiste iranienne qui vit à Paris, elle y est constamment confrontée. Comme si l'on attendait quelque chose lié à son identité géographique dans son travail.

Parole d'Hannah Darabi, si elle vivait à Téhéran, elle ne traiterait pas de sa ville. "Parce que quand je vivais à Téhéran, la ville avait une présence très proche de moi. (...) Après six ou sept ans à vivre à Paris, j'ai commencé à pouvoir sortir de ce sentiment très fort vis-à-vis de ce lieu et à le traiter comme un objet d'analyse. (...) A Paris, je m'interroge beaucoup par rapport à qui je suis parce que les gens me posent de questions. (...) Avec l'âge et la distance, je pense que c'est le moment de comprendre pourquoi la ville me suit, pourquoi la révolution de 1979 reste une question très importante pour ma génération. (...) Ne pas être sur place a des avantages finalement".

Sujet radio: Florence Grivel

Adaptation web: Melissa Härtel

Hannah Darabi, "You're so Tehran!", Centre pour la photographie, Genève, jusqu'au 19 novembre 2023.

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