Dans son exposition "La levée des corps", la photographe Virginie Rebetez exhume les morts
Loin de tout voyeurisme macabre, la photographe et auteure lausannoise Virginie Rebetez enquête, récolte, recueille, assemble et construit avec des documents d'archives, albums de photos, objets personnels, documents de police ou même traces et indices fantomatiques, des narrations photographiques aussi fortes que subtiles, aussi émouvantes que poétiques dans une exposition intitulée "La levée des corps".
Depuis une quinzaine d'années, Virginie Rebetez développe une pratique artistique portant sur les questions de la disparition, de la perte et de l'oubli. Elle tourne inlassablement autour de la question de la mémoire, de la mort, et des différents niveaux de réalité qui s'imbriquent dans les mondes de l'entre-deux, entre l'ici et l'au-delà, le souvenir et l'oubli, les vivants et les disparus.
La gardienne de leur mémoire
"Je m'intéresse à des personnes qui sont souvent isolées, qui ont perdu leur identité, qui ont disparu en fait avec personne pour porter leur mémoire. J'aime bien être une gardienne de leur mémoire, les porter sur mes épaules. J'aime bien être ces yeux qui voient ces existences", explique Virginie Rebetez dans l'émission Vertigo du 2 janvier.
Le travail pour cette exposition à la Ferme-Asile de Sion, la photographe le commence en 2021 grâce à Alain Dubois. L'ancien chef des Archives de l'État du Valais mandate Virginie Rebetez pour une carte blanche. La photographe endosse alors le rôle d'une archiviste et s'intéresse aux dossiers de personnes qui se sont ôtés la vie entre les années 1910 et 1960. Avec cette exposition, l'artiste sort ces histoires du silence et les met en lumière à travers différents médiums: des photographies, des reproductions d'archives, des vidéos et des enregistrements sonores.
Se perdre dans les archives
Virginie Rebetez se perd alors dans des couloirs sans fin de dossiers, d'archives. "J'ai adoré me perdre, oublier le temps, ouvrir des boîtes et lire. Je me suis assez vite tournée vers les archives pénales des tribunaux. Je me suis concentrée sur ces documents de levées de cadavres", indique la photographe.
Le sort de ces hommes et de ces femmes dont la mort se retrouve dans ces boîtes d'archives et qui n'ont pas pu bénéficier de funérailles à l'église à cause de leur suicide touche l'artiste. "Je trouvais cela ironique que ces personnes qui se sont ôtés la vie se retrouvent aux archives alors que ce sont des personnes que l'on a cachées, raconte Virginie Rebetez. Mon but n'est pas de choquer, ce n'est pas du voyeurisme. Les gens sont assez touchés et trouvent cela beau. Au vernissage, c'était beau, il y avait quelque chose de l'ordre du recueillement".
L'exposition "La levée de corps" est accompagnée d'une publication qui sera disponible le 2 février 2024.
Propos recueillis par Anne Laure Gannac
Adaptation web: Lara Donnet
Virginie Rebetez, "La levée des corps", la Ferme-Asile, Sion (VS), du 3 décembre 2023 au 25 février 2024.