Modifié

A travers son exposition "Engrenages", Omar Ba questionne la vision occidentale de l'Afrique

L'artiste sénégalais Omar Ba pose dans son atelier à Sangalkam en mai 2022. [AFP - John Wessels]
Le B.A.BA dʹOmar BA. / Vertigo / 5 min. / le 29 janvier 2024
L'artiste sénégalais Omar Ba investit le nouveau bâtiment de la galerie Wilde à Genève pour son exposition "Engrenages". Ses tableaux colorés et énergiques racontent les réactions en chaîne engendrées par les conflits mondiaux. À voir jusqu'au 5 mars.

La galerie Wilde de Genève déménage de son ancienne adresse près de Plainpalais au cœur de la vieille-ville de Genève, sur le boulevard Georges-Favon. Pour fêter ce nouveau cap, l’artiste sénégalais Omar Ba investit les espaces principaux du bâtiment faisant plus de 1000 mètres carrés. Les œuvres d’Omar Ba, qui expose dans la galerie depuis 2010, sont un fer de lance de la galerie Wilde. L’exposition "Engrenage", racontant les réactions en chaîne engendrées par certains conflits mondiaux tout en questionnant la vision occidentale de l'Afrique, n’y fait pas exception.

Une vision détériorée de l’Afrique en Occident

Omar Ba naît au Sénégal en 1977. Après avoir suivi l’enseignement des beaux-arts de Dakar en 2002, fortement influencé par la peinture non figurative du mouvement artistique de l’Ecole de Paris, il obtient en 2005 un master à la HEAD de Genève. En découvrant le regard occidental sur les pays d'Afrique, son art prend alors une direction plus politisée.

"Quand tu viens en Europe, tu te rends compte qu'en fait, tu es dans une société où les images qu'on donne autour des origines de ton continent sont toujours des mains tendues ou de l’aide à apporter, explique Omar Ba dans l'émission Vertigo du 29 janvier. Par exemple, on doit aider des enfants à aller à l’école. Cela me frustre, parce que je viens d’une famille dans laquelle je n’ai jamais eu besoin de dons. Dans mon entourage, les gens se lèvent le matin, travaillent. Dans la campagne, les gens cultivent. Donc cela veut dire que nous avons de quoi gérer notre vie, s’occuper de nos problèmes. Mais le fait de se rendre compte qu'ailleurs, l’image qu'on donne de mon continent est détériorée et piétinée était frustrant."

De cette frustration naissent des tableaux liés à ses origines. Réalisés sur de grandes toiles, ils sont énergiques, énigmatiques, colorés et empreints de résonance politique. L’artiste utilise et mélange plusieurs techniques comme la peinture, l’encre, le crayon et les pigments. Les humains y tiennent une place centrale. Dans "Engrenage", telles des figures tutélaires du pouvoir, ils portent des armes et tiennent des animaux en laisse dans des décors aux symboles aussi luxuriants que terrifiants. La dimension géopolitique est aussi présente, avec des petits drapeaux nationaux comme des guirlandes.

Un succès mondial

Cette façon de s’exprimer fait mouche et depuis quelques années, Omar Ba vit un succès fulgurant. Il expose dans les foires et les galeries internationales, de Londres à Dakar en passant par Paris, Abu Dhabi et New York. Ce qui ne l’empêche pas de garder la tête froide. "Quand je retourne au Sénégal par exemple, je ne veux pas montrer tout cela. Parce que si je le montrais, je serais automatiquement déclassé. Je n’aurais plus accès aux gens, ou vice-versa. Quand je suis là-bas, je vis très simplement. Des fois, les gens se demandent si l’artiste qu’ils ont vu est bien devant eux. Cela me va parfaitement."

Comment garder du temps pour renouveler son travail lorsqu’on est pris dans l’accélération du succès? "Pour un artiste, les meilleurs endroits pour être visible sont les expositions dans les galeries, mais aussi les foires d’art. Dans ces foires, il peut y avoir en trois jours des milliers de personnes qui voient ton travail. J’essaie toujours de garder une distance avec les propositions, que je trie pour garder une certaine liberté. J’ai ainsi du temps pour la lecture, faire des choses que j’aime, rencontrer des gens, faire du sport. J’ai aussi créé un atelier à Dakar. Donc, quand je sens la pression qui monte au niveau des expositions, je pars travailler dans mon atelier, où se trouve ma famille. C’est comme des fenêtres", conclut Omar Ba.

Sujet radio: Florence Grivel

Adaptation web: Myriam Semaani

Omar Ba, "Engrenages", galerie Wilde, Genève, jusqu'au 5 mars 2024.

Publié Modifié