Dans le cadre de la Triennale de l'art imprimé contemporain, le Musée des Beaux-Arts du Locle (MBAL) propose une exposition de Laurence Rasti intitulée "A., D., G., L., M., N., T., Z. - Un mur comme horizon". Comptant parmi les rares artistes à avoir eu accès aux prisons neuchâteloises, la photographe suisse présente une installation issue d'une collaboration avec les personnes détenues, qui explore les inégalités dans le système carcéral.
Pour ce travail, Laurence Rasti a capturé le quotidien de détenus du centre de détention La Promenade à La Chaux-de-Fonds (NE). "Je m'intéresse depuis toujours à des questions d'inégalités, de personnes en situation de vulnérabilité et j'ai toujours voulu utiliser ma position d'artiste pour donner une place de parole à des personnes qui n'en ont pas", explique la photographe dans l'émission Forum du 13 octobre.
La prison est justement un lieu opaque difficilement accessible. C'est assez naturellement que je me suis intéressée à ce sujet.
"Il n'y a pas de riches en prison"
Pour "A., D., G., L., M., N., T., Z. - Un mur comme horizon", l'artiste a choisi de se pencher sur les détenus purgeant une courte peine, qui constitue la majorité des sanctions en Suisse. "75% des détentions durent moins de six mois en Suisse et ciblent une certaine catégorie de personnes", souligne la photographe.
Choquée par la violence du système carcéral, Laurence Rasti a rapidement constaté qu'en prison, seules les personnes vivant dans une certaine précarité sont représentées. "Il n'y a pas de riches en prison, en tout cas parmi les personnes que j'ai rencontrées", indique Laurence Rasti
La plupart des personnes présentes étaient là pour de la 'criminalité de survie' ou parce qu'elles ne pouvaient pas payer leurs amendes, ou pour des questions d'irrégularité de séjour. Du coup, on a des prisons qui punissent les personnes pauvres.
Des détenus co-auteurs du projet
Le travail dans le milieu carcéral s'accompagnant de nombreuses contraintes, le travail de Laurence Rasti a dû s'inscrire dans un cadre institutionnel. C'est l'Association pour la promotion de la photographie dans le canton de Neuchâtel (APPCN) et l'Enquête photographique neuchâteloise (EPN) qui chapeautent ainsi le projet de la photographe et ont permis les accès à la prison.
Après une longue phase de recherches et l'appui d'experts et expertes, Laurence Rasti a ainsi pu interviewer des détenus de La Promenade lors de parloirs pour leur proposer le projet. "L'idée était de proposer aux détenus de faire des images à l'intérieur de la prison pour leur donner la parole et une position de co-auteurs", explique la photographe.
Laurence Rasti a quant à elle fait les clichés à l'extérieur. En résulte une installation immersive interrogeant les fonctions de l'univers carcéral et montrant une vision du quotidien des prisonniers.
Propos recueillis par Valentin Emery
Adaptation web: ld
L'exposition "A., D., G., L., M., N., T., Z. – Un mur comme horizon" de la photographe Laurence Rasti, à voir dans le cadre de la Triennale de l'art imprimé contemporain du Musée des Beaux-Arts du Locle (MBAL) (NE), du 12 octobre 2024 au 16 mars 2025.
Un ouvrage éponyme est paru aux éditions Scheidegger & Spiess.
Trois artistes présentés au MBAL
La Triennale de l'art imprimé contemporain poursuit son ambition d'exploration de la diversité. Pour sa onzième édition, le MBAL invite à un parcours en trois expositions monographiques. De l'impression à la photographie jusqu'à l’installation, les trois artistes mènent une réflexion singulière sur le medium imprimé.
La photographie devient un outil de résistance pour la photographe documentaire chilienne Paz Errázuriz, l'installation photographique de la Suissesse Laurence Rasti interroge la condition carcérale, l'impression devient acte de création dans les œuvres abstraites de Michael Günzburger.