Il s'est éteint chez lui dans l'Etat de New York des suites d'une pneumonie, selon le quotidien américain. Exposé des grands musées américains au désert du Qatar, Richard Serra a livré des oeuvres massives, arrondies, à l'aspect pourtant minimaliste, poussant la réflexion sur l'espace et l'environnement.
Pour l'artiste, la forme de l'oeuvre est déterminée par la matière et le lieu de son exposition, dont elle modifie la perception. Dans la nef du Grand Palais à Paris, il installe en 2008 pour l'exposition "Monumenta" de gigantesques plaques anguleuses à l'inclinaison inquiétante. Au musée Guggenheim de Bilbao, ce sont huit oeuvres tout en courbes et spirales ocres qui enveloppent le visiteur.
"Quand on voit mes pièces, on ne retient pas un objet. On retient une expérience, un passage. Faire l'expérience d'une de mes pièces, c'est éprouver une notion du temps, du lieu et y réagir. Ce n'est pas se souvenir d'un objet parce qu'il n'y a pas d'objet à retenir", expliquait-il en 2004.
"One ton prop (House of cards)", son oeuvre fondatrice
Né à San Francisco d'une mère d'origine juive russe et d'un père espagnol, il se forme à Paris puis s'installe dans les années 1960 dans un New York en plein bouillonnement artistique.
Pour survivre, il monte une entreprise d'enlèvement de meubles, dans laquelle il emploie notamment le compositeur Philip Glass, devenu son assistant. En 1967-1968, il publie son manifeste: une liste de 84 verbes ("enrouler", "appuyer", "couper", "plier"...) et 24 éléments de contexte ("gravité", "entropie", "nature"...) qui recense tous les processus à sa disposition pour la réalisation d'une oeuvre.
Pour ses premiers travaux, il utilise le caoutchouc, la fibre de verre, le latex et le néon, puis projette du plomb en fusion entre murs et planchers ("Splash", 1968-70).
A la fin des années 1960, il réalise une oeuvre fondatrice "One ton prop (House of cards)", quatre plaques de plomb de 122x122 cm, maintenues en équilibre par leur propre poids, à la manière d'un château de cartes.
Installations en acier
A partir de la décennie suivante, Richard Serra privilégie les installations en plein air et l'acier Corten. Le choix du matériau n'a rien d'arbitraire. Il en connaît parfaitement les caractéristiques et les potentialités pour avoir travaillé dans une aciérie tous les étés depuis ses 16 ans.
Les jeux d'équilibre, le poids de l'acier et la hauteur des plaques créent, pour le spectateur invité à circuler entre celles-ci, un sentiment d'insécurité, de petitesse ou de vertige. Une expérience déstabilisante, voire dérangeante.
En 1981, son oeuvre "Tilted Arc", gigantesque plaque de métal de 3,6 m de haut sur 36,6 m de long, installée en travers de la Federal Plaza de New York, gêna tellement les riverains qu'elle a dû être démontée au bout de huit ans, à la suite d'une longue bataille judiciaire. Et plus près de chez nous, à Bâle, comme le rappelle l'article du Bilan paru en juillet 2023, son oeuvre "Intersection II" fait débat depuis son installation en 1992.
Et l'une de ses récentes oeuvres, des tours sombres qui semblent sortir de terre dans le désert du Qatar, est isolée, accessible uniquement en 4x4 par des températures pouvant monter jusqu'à 50 degrés Celsius.
ats/juma/aq