L'artiste française Sophie Calle reçoit le prix Praemium Imperiale, le Nobel des arts
"En 1979, je venais de passer dix ans dans des activités militantes, les mouvements féministes ou d'extrême gauche. Tous mes projets avaient une résonance politique. Ils ne fonctionnaient pas. C'était comme si ce n'était pas pour moi. J'ai donc pris une autre voie", a déclaré Sophie Calle lors d'une conférence de presse à la veille de la cérémonie officielle du prix Praemium Imperiale.
"En même temps, d'une manière souterraine, j'ai aussi ces préoccupations (politiques). J'ai travaillé à Berlin sur la chute du Mur en essayant d'imaginer ce que provoquait chez les gens l'absence de tous ces monuments détruits. Ce n'était pas un travail directement politique puisque ça s'attachait plus aux émotions, mais je pense qu'à ma manière, c'est politique", a-t-elle expliqué.
"Je parle plus de la douleur des gens, une douleur plus individuelle que liée aux grandes transformations de la société", a ajouté la Française dont le hasard fait qu'elle inaugure samedi une exposition dans la capitale nippone intitulée "Absences", où ses oeuvres partageront la vedette avec celles de Toulouse-Lautrec.
Une oeuvre métaphysique et conceptuelle
Artiste conceptuelle, photographe, vidéaste qui fait l'objet de nombreuses expositions depuis 1970 à travers le monde, Sophie Calle a développé une oeuvre métaphysique et conceptuelle qui utilise tous les médias et s'appuie principalement sur l'autofiction, s'intéressant beaucoup à la disparition et à la mort.
L'absence "est le thème qui traverse tous mes projets. Je parle de ma mère qui meurt, d'hommes qui s'en vont, de statues qu'on déboulonne. J'en reviens toujours à l'absence, quelle que soit mon idée, qu'elle soit légère ou profonde, spontanée ou réfléchie. Cela doit être ce qui m'intéresse le plus mais je n'ai pas de théorie sur l'absence", a expliqué Calle.
"Je prends ce prix avec beaucoup de joie"
Le Praemium Imperiale a été créé en 1988 par la Japan Art Association et octroie à chaque lauréat la somme de 15 millions de yens (environ 86'000 francs suisses).
Ce prix "est offert à mon travail et pas à ma réussite même si parfois ça va ensemble. Je le prends avec beaucoup de joie d'autant qu'il vient de loin et c'est toujours plus mystérieux, plus inattendu. Il y a même quelque chose de miraculeux", a commenté l'artiste, née en 1953, grande admiratrice de Georges Perec.
L'artiste raconte par ailleurs avoir gardé un souvenir douloureux de son premier voyage au Japon durant trois mois il y a quarante ans, lorsque son amour de l'époque l'a quittée pendant son séjour.
"Cet homme m'a offert ce que j'estime être le moment le plus douloureux de ma vie. Et il se trouve qu'il a eu le même prix que moi (le Praemium Imperiale). Cette histoire est finalement assez cocasse", a déclaré Sophie Calle tout sourire, mais refusant de donner son nom.
afp/olhor