Le Musée d'histoire de Berne interroge le racisme en Suisse dans une exposition
En 2019, une peinture murale qui se trouve dans une école de quartier à Berne déclenche une controverse sur le racisme et l'héritage colonial de la capitale fédérale. La fresque représente un abécédaire. Problème: à la lettre "n" est représenté un enfant noir, à la lettre "c", un enfant chinois et à la lettre "i", un Indigène.
Le débat s'intensifie au cours de l'été 2020 à la suite de la vague de protestation mondiale déclenchée par le mouvement Black Lives Matter: administrations, médias, institutions culturelles et éducatives, personnes privées luttent pour le pouvoir d'interprétation et pour un traitement approprié des motifs racistes de cette peinture.
Dans le cadre d’un concours public, la ville de Berne se laisse convaincre par la proposition de l'association Das Wandbild muss weg! (La peinture murale doit partir!). Celle-ci demande que la peinture murale quitte l'école et aille dans un musée. Le discours sur l'histoire et l'actualité du racisme à Berne peut ainsi être prolongé avec un large public. Quatre ans plus tard, la peinture murale fait partie de la collection du Musée d’Histoire de Berne.
Comprendre le racisme et l'anti-racisme en Suisse
La fresque date de 1949 et les artistes qui l'ont faite étaient connus pour être socialistes. Déjà dans les années 1980, la peinture murale était remise en question par le personnel de l'école et des parents d'élèves.
Aujourd'hui, cette fresque a trouvé sa place au Musée d'histoire de Berne. "On a tout intérêt à exposer cette image, à la contextualiser. L'exposition est une opportunité de connaître et comprendre le racisme en Suisse, mais aussi de connaître l'histoire de l'anti-racisme en Suisse", souligne dans le 12h30 du 24 avril Izabel Barros, historienne et militante pour l'association Das Wandbild muss weg!
L'idée du musée est de proposer un débat sociétal autour de la fresque. La fresque ayant été recouverte par des activistes, le musée la propose en l'état afin d'interroger à la fois le racisme les mouvements anti-racistes.
L'exposition "Résistances. Comment aborder le racisme à Berne" met en contexte la fresque, mais aussi d'autres objets qui sont au musée et qui rappellent que les parcours scolaires en Suisse ont longtemps été marqués par des images stéréotypées de personnes non-blanches, racisées.
Le musée, la meilleure place pour ce patrimoine
Le débat n'est pas nouveau. Depuis plusieurs années, la question se pose pour certaines et certains de déboulonner les statues représentant des personnages colonialistes - c'est le cas de la statue controversée de Xavier de Pury à Neuchâtel notamment. Pour d'autres, retirer ces figures de l'espace public reviendrait à effacer une partie de l'histoire. "En fait, ces monuments ne sont pas une partie de l'histoire. Elles sont narratives. C'est une propagande d'un moment précis de l'histoire. La monumentalité doit exprimer la société telle qu'elle est", répond pour sa part Izabel Barros.
L'historienne est convaincue que le musée est la meilleure place pour ces éléments de l'histoire, parce qu'ils peuvent ainsi être contextualisés et expliqués dans toute leur complexité en tenant compte des avis et de l'expertise de professionnels.
Au Musée d'histoire de Berne, le public est invité à s'interroger dans un esprit critique sur l'histoire et l'actualité du racisme et du colonialisme à Berne, sur la manière d'interroger les images existantes de l'histoire et de contribuer à donner forme aux récits futurs. L'exposition est complétée d'un matériel pédagogique important, afin de sensibiliser petits et grands.
Propos recueillis par Manuela Salvi
Adaptation web: ld
"Résistances. Comment aborder le racisme à Berne", Musée d'histoire de Berne, du 25 avril 2024 au 1er juin 2025.