Les trésors impressionnistes du Langmatt prennent la lumière à l'Hermitage de Lausanne
En 2024, la Fondation de l'Hermitage fête ses quarante ans et présente une exposition exceptionnelle, en partenariat avec le Museum Langmatt de Baden (AG). Constituée des trésors - majoritairement impressionnistes - rassemblés pour l’essentiel entre 1908 et 1919 par le couple de collectionneurs Jenny et Sidney Brown, cette somptueuse collection, habituellement montrée à la Villa Langmatt, fait escale à l'Hermitage pour sa première présentation hors-les-murs.
La Fondation de l'Hermitage a ouvert ses portes en 1984 avec une exposition qui s'intitulait "L'impressionnisme dans les collections romandes". Cette exposition proposait à l'époque une véritable découverte d'oeuvres impressionnistes de collections publiques et privées.
"Pour nous, la proposition du musée Langmatt de montrer sa collection à la Fondation de l'Hermitage est une occasion rêvée de célébrer nos quarante ans en revenant aux sources de notre musée né sous le signe de l'impressionnisme", indique dans l'émission Musique Matin du 27 juin Sylvie Wuhrmann, la directrice de la Fondation de l'Hermitage.
Des oeuvres très spéciales
L'enthousiasme est partagé par Markus Stegmann: "Je n'avais jamais vu les tableaux dans cette lumière", s'émerveille le directeur du musée Langmatt, qui a prêté sa collection de dizaines de Renoir, Cézanne, Monet ou Degas à la Fondation de l'Hermitage de Lausanne.
Ces oeuvres - dont des pièces très spéciales comme "La natte" de Renoir, un "Nu de femme" de Degas à la tenture jaune ou "Les glaçons, effet de crépuscule" de Monet - n'avaient pour l'essentiel jamais quitté le cocon de la villa Langmatt et ses éclairages aux chandeliers de cristal et ses fenêtres à croisillons.
A la Fondation de l'Hermitage, les larges baies vitrées de la villa du XIXe siècle, perchée sur les hauteurs de Lausanne, donnent libre cours aux mêmes jeux de lumière qui ont tant inspiré les impressionnistes.
La collection de Sidney et Jenny Brown
L'exposition "Chefs-d'oeuvre du musée Langmatt", qui se tient jusqu'au 3 novembre, est un bel hommage au 150e anniversaire de l'impressionnisme mais aussi à Sidney et Jenny Brown qui ont constitué cet ensemble exceptionnel. Toutes les oeuvres "sont achetées avec le coeur" plutôt que sur les conseils d'experts, explique Markus Stegmann le directeur du musée Langmatt.
Les Brown - une riche famille de la bourgeoisie industrielle du nord de la Suisse - ont fait preuve d'un goût très sûr. Sidney et Jenny collectionneront aussi les artistes de la Sécession munichoise avant de se passionner exclusivement pour les Français contemporains: Renoir est un grand favori mais aussi Pissarro et Cézanne. Non sans risque dans une société où les artistes admirés par les Brown font encore scandale.
L'Hermitage, un écrin provisoire
En 1919, pour des raisons difficiles à cerner, le couple change de goût. Exit l'impressionnisme, place au XVIIIe siècle français. Jenny et Sidney vendent alors huit tableaux, dont deux Cézanne, pour acheter un Fragonard présent à Lausanne lui aussi. En 1941, le goût de la collection s'assèche et l'ensemble restera figé.
Quand il a fallu trouver un écrin provisoire pour ses tableaux pour cause de rénovation de la villa Langmatt, Markus Stegmann n'a pas hésité, voyant des similarités avec la Fondation de l'Hermitage. Cette collaboration a aussi permis de publier un catalogue qui ne compte pas moins d'une vingtaine de textes de spécialistes de cette période, conservateurs et historiens de l'art, souligne Markus Stegmann, là où Langmatt n'avait pas les moyens de se lancer dans un tel projet.
Après les quatre mois passés à Lausanne, l'exposition "Chefs-d'oeuvre du musée Langmatt" poursuivra son chemin à Cologne en Allemagne et puis à Vienne en Autriche, avant de rentrer au bercail rénové.
Propos recueillis par Sydney Fierro
Adaptation web: ld/ats
"Chefs-d'oeuvre du musée Langmatt", Fondation de l'Hermitage, Lausanne, du 28 juin au 3 novembre 2024.
Le musée Langmatt sauvé par une vente aux enchères
En novembre de l'année dernière, confronté à de graves difficultés financières, le musée Langmatt s'était vu forcé de vendre trois Cézanne aux enchères à New York. "La vente - une solution de la dernière chance - a été un pas douloureux pour nous", avait alors dit Markus Stegmann.
"Fruits et pot de gingembre" avait été adjugé à près de 39 millions de dollars, ce qui avait permis au musée de voir l'avenir avec beaucoup plus de sérénité.