Ce sont de grands portraits féminins à la fois très familiers et mystérieux, des créatures grotesques aux visages composés de détails provenant de têtes différentes: les portraits signés de la photographe américaine Cindy Sherman et exposés actuellement à Photo Elysée, à Lausanne, forment un assemblage de nez immenses, de bouches aux sourires décalés voire carnassiers, de coiffes étranges ou encore de sourcils peints assez grossièrement.
Le tout dans des poses de stars qui rappellent nos selfies, en tentant de donner la meilleure version de nous-mêmes. Dans cette exposition à voir jusqu'au 8 août et durant la Nuit des images à Plateforme 10 le 22 juin (lire encadré), tous les défauts sont mis en avant et composent un ensemble très troublant.
Depuis ses débuts dans les années 1970, Cindy Sherman, née en 1954, s'intéresse à la représentation humaine. Dans sa première série, "Untitled" (1977), elle montre une suite de femmes stéréotypées que l'on pourrait rencontrer dans des films de série B: la vamp, la femme au foyer ou encore la jeune étudiante. L'artiste est fascinée par la culture populaire et les médias au travers desquels le jeu de la représentation de soi est de plus en plus présent.
La mise en scène de soi-même
L'artiste va développer l'entier de son travail sur ces questions, en s'utilisant elle-même pour toutes ces images. Pour autant, il ne s'agit pas d'autoportraits. "Depuis le début, Cindy Sherman utilise son propre corps pour créer des personnages différents, ce n'est pas elle que nous voyons. Le côté travestissement est très intéressant. Il y a cinquante ans, elle s'inspirait du cinéma et de toute cette culture populaire qui nous inspirait beaucoup, aujourd'hui sa référence ce sont les réseaux sociaux, le selfie", indique Nathalie Herschdorfer, directrice de Photo Elysée, dans l'émission Vertigo du 17 juin.
A 70 ans, l'artiste continue à explorer la question des rôles que nous offre ou nous impose la société. Elle les détourne en nous offrant un miroir déformant, puissant et dérangeant. "Depuis un demi-siècle, Cindy Sherman parle du poids de cette culture qui nous incite à prendre des rôles et nous offre des modèles, souligne Nathalie Herschdorfer. C'était déjà le cas dans sa première série autour du cinéma. [Aujourd'hui], je pense qu'elle pousse encore un peu plus loin cette réflexion en montrant à quel point tout est fabriqué. Ce monde de l'image dans lequel on navigue, même si l'on veut y croire, n'est en réalité qu'une fiction".
Sujet radio: Florence Grivel
Adaptation web: mh
"Cindy Sherman", Photo Elysée, Lausanne, jusqu'au 8 août 2024.
La Nuit des images, Plateforme 10, Lausanne, le 22 juin 2024.
La Nuit des images fait son retour samedi à Lausanne
Après cinq ans d'absence, La Nuit des images investit samedi 22 juin 2024 le site de Plateforme 10, où Photo Elysée a pris ses marques en 2022. Avec un menu foisonnant qui comprend pêle-mêle des projections sur les façades, une expo de la photographe Sabine Weiss, l'entrée libre aux trois musées, de la musique et des animations.
Après des années dans les jardins de l'ex-Musée de l'Elysée, le quartier des arts de Plateforme 10 servira pour la première fois de décor à cette fête de la photographie. De 18h à 1h du matin, une multitude d'animations et de projections sont au menu.
Cette dixième édition se déploiera sur l'ensemble du site proche de la gare, et investira des espaces peu utilisés jusqu'ici, comme le toit-terrasse de Photo Elysée et du mudac (design).