Dès vendredi et jusqu'au 25 juin, le Musée national présente l'exposition "La Révolution de 1917. La Russie et la Suisse", en collaboration avec le Musée historique allemand (DHM) de Berlin. Photographies, documents, objets d'arts et tableaux évoquent l'histoire de la Russie au début du dernier siècle et ses répercussions en Suisse.
Jusqu'en 1917, plus de 20'000 Suisses ont commencé une nouvelle vie en tant qu'entrepreneurs, boulangers, fromagers, enseignantes ou gouvernantes en Russie. Ils vivent alors dans un pays multiethnique rural aux inégalités sociales marquées. Les paysans russes vivent dans la précarité alors que le pouvoir autocratique baigne dans le luxe, ont expliqué jeudi les responsables de l'exposition.
Parmi les objets exposés qui témoignent de ce contraste, on peut découvrir un oeuf Fabergé en forme de pendule à mécanisme d'horlogerie incorporé. Il a été fabriqué en Russie par Heinrich Moser & Cie, entreprise horlogère florissante fondée en 1828 à St-Pétersbourg par un natif de Schaffhouse. A l'époque, beaucoup d'entrepreneurs suisses et de particuliers sont attirés par l'Empire des tsars.
Le bureau zurichois de Lénine
A l'inverse, des artistes, des intellectuels et des révolutionnaires russes se rendent en Suisse, attirés par sa démocratie libérale et sa neutralité, qui garantissent la liberté d'opinion et de la presse. Les femmes peuvent en outre y faire des études universitaires, contrairement à ce qu'il se passe en Russie. En 1910, près de 8500 Russes d'Europe vivent en Suisse, la moitié à Zurich.
L'exilé russe le plus célèbre passe plus de six années à Genève, Berne et Zurich. Lénine y prépare en effet le renversement du régime dans son pays. Avant son retour en Russie en avril 1917, il laisse son bureau, présenté pour la première fois dans une exposition, chez le propriétaire suisse de son appartement zurichois. En octobre de la même année, il renverse le gouvernement provisoire, à la tête des bolcheviques.
Environ 8000 Suisses résidant en Russie rentrent alors dans leur pays d'origine. Nombre d'entre eux n'y avaient encore jamais vécu.
ats/olhor
Rupture diplomatique
Cette prise de pouvoir et le début de la guerre civile en 1918 entraînent un refroidissement, puis la rupture des relations diplomatiques helvético-russes. Les photos, lettres et documents officiels exposés au Musée national laissent entrevoir la peur du communisme, attisée en Suisse par les rumeurs d'ingérence soviétique durant la grève générale de 1918. Les relations entre les deux pays ne sont renouées qu'en 1948.
Les visiteurs du musée peuvent aussi découvrir 26 tables de travail retraçant les étapes des événements traversés par la Russie de 1917 à 1932. Les différents chapitres qui y sont présentés vont de la guerre civile aux conséquences de l'industrialisation, en passant par les famines, l'évolution de la politique économique et la conquête du pouvoir par Staline.
Lettre du Corbusier à Staline
Le volet artistique de la visite fait, lui, référence à la propagande incarnée par l'art réaliste socialiste, décrété en 1932 par le régime communiste. Des peintres comme Alexandre Deïneka trouvent leurs motifs dans les bâtiments industriels soviétiques, le sport et la vie urbaine.
En architecture, le projet néoclassique de construction du palais des Soviets attire les foudres des architectes du monde entier, dont Le Corbusier. En témoigne une lettre, présentée par le Musée national, dans laquelle la Suisse adresse ses protestations à Staline, en date du 20 avril 1932. L'exposition se termine au début des années 1930, à la veille de la "Grande Terreur", ses persécutions et ses purges staliniennes.