Le sida: 30 ans que l'on a découvert ce virus. Comment en parlait-on à l'époque, comment en parle-t-on aujourd'hui? Le musée international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge présente sa nouvelle exposition temporaire, "SIDA, une lutte en images".
L'occasion, à travers des affiches, des campagnes de prévention, des photos et des installations d'observer l'évolution de notre regard sur la maladie. On rappelle ces chiffres: 35 millions de personnes mortes des suites du VIH - 37 millions de personnes qui vivent aujourd'hui avec le virus, et, chaque semaine, 25 000 personnes qui décèdent du sida.
Un regard qui évolue
L'exposition ne parle pas tant du virus que de la communication autour du virus, à travers une multitude d'affiches de prévention et de campagnes venant du monde entier. Des supports comme autant de précieux témoignages pour comprendre comment on considère une maladie comme le sida à un moment donné.
Des campagnes tour à tour considérées comme choquantes, effrayantes, alarmantes, parfois drôles, révélatrices des tabous d'une société, avec cette maladie qui touche à l'intime, à la sexualité et ce qu'on appelle la morale. On surfe sur toutes sortes d'émotions: peur, terreur, menace de mort, provocation, humour ou érotisme, selon les époques et les pays.
Les débuts de la maladie
L'exposition nous replonge dans les années 80. On parlait alors de cancer gay, de peste, de maladie d'Haïtiens - c'était la maladie des drogués, des prostituées, des homosexuels, la "maladie des autres".
En 1986 aux États-Unis, une photographie montrait deux hommes noirs, beaux et musclés: l'un est en train d'enlever son tee-shirt, l'autre d'ouvrir la braguette de son pantalon et il est écrit "You Won't Believe What we Like to Wear in Bed", littéralement "vous n'imaginez pas ce que nous aimons porter au lit", sous-entendu le préservatif. Ce sont les premières campagnes de prévention, et l'organisme en charge de cette campagne a été dans l'impossibilité de trouver des modèles pour poser. À cette époque, le sida faisait tellement peur et tellement honte que tous les modèles avaient refusé de poser. Les deux mannequins recrutés n'ont pas été avertis du sujet, mais n’ont pas pu empêcher la diffusion des affiches.
Et en Suisse?
En Suisse, une campagne de sensibilisation a fait très fort en 1987: STOP SIDA en lettres noires majuscules, le O de stop est rouge, comme un feu de circulation, et représente un préservatif.
Message limpide, en quatre langues, qui ne juge pas et s'adresse à tous. Mais qui n'est pas du goût de tous. Cette affiche va être suivie d'une autre, sur un ton plus moralisateur: le préservatif est remplacé par une alliance.
L'Aide suisse de lutte contre le sida (ASS) est fondée en 1985, l'Office fédéral de la santé publique se mobilise et la première campagne "Stop Sida", date de 1987. Fait remarquable, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), organe officiel, demande à devenir membre d'une association privée fondée par des homosexuels, l'ASS, et obtient un siège permanent au sein du comité directeur de l'ASS, dont il est membre aujourd'hui encore.
Dès 1987, ces deux organes se lancent ensemble dans ce qui sera le début de trente ans de communication, reconnaissable notamment grâce au célèbre logo STOP SIDA. Au niveau de la communication, la Suisse aborde la maladie de manière ouverte, neutre, parfois ludique, positive, sans stigmatiser une communauté ou son comportement.
Le sida, une image médiatique
Les toutes premières campagnes de sensibilisation et de prévention ne s'adressaient qu'aux homosexuels ou aux consommateurs de drogues injectables. Mais on découvre rapidement que le virus peut contaminer tout le monde, et les affiches montrent désormais, dès 1987, des couples hétérosexuels. La contamination des personnes "saines" crée le débat quant à la responsabilité légale de la transmission.
Le rapport à la maladie a été marqué par plusieurs scandales et polémiques, comme avec les affiches de Benetton en 1992: la photo d'un malade du sida, mourant sur son lit, entouré de sa famille en pleurs, évoquant une représentation du Christ, avait beaucoup marqué les esprits.
L'exposition du musée international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, emmène le visiteur à travers toutes les facettes de la communication: population ciblée, grand public, mère et enfant, hétérosexuels et homosexuels, consommateurs de drogue, personnalités qui ont fait leur coming out, comme le célèbre journaliste et présentateur de télévision André Ratti. Autant d'étapes et d'images révélatrices de notre rapport à la sexualité et à la maladie.
Laurence Froidevaux/ld
"Sida, une lutte en images", Musée international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, Genève, jusqu'au 7 janvier 2018.