Sur ce cliché qui date de 1963, Ernesto Che Guevara avait des cheveux noirs, une mèche qui tombe sur le front, une barbe broussailleuse et les narines ouvertes. Un long cigare traverse la partie gauche de son visage. Les sourcils relevés, il a le regard qui tue, un regard noir, presque hautin, dirigé sur sa droite.
Dans ce portrait en légère plongée, cadré à la hauteur des épaules, le Che ne regarde pas le photographe.
Je n'ai pas eu une seule photo pendant trois heures où il me regarde tellement. Il était braqué sur cet Américain capitaliste venu d'ailleurs.
La rencontre
Le Suisse René Burri raconte cette séance photo dans une interview qu'il a accordée à la Télévision Suisse Romande. Alors ministre cubain de l'Industrie, le Che est dans son bureau, alors qu'ils est en compagnie d'une journaliste américaine. Cherchait-il à la séduire?
A cette question, le photographe répond "oui" sans aucune hésitation. Par-dessus tout, le Che cherchait à la convaincre de ce qui se passait à Cuba à l'époque.
Icône éternelle
Le héros argentin de la Révolution cubaine tué en Bolivie devient une icône, un modèle pour d'autres mouvements de guérillas. Avec son béret et sa tenue de guerrier héros, le Che photographié par Korda fait le tour du monde.
Moins commercialisée sous forme de posters ou de tee-shirts, la photo de Burri se vend aujourd'hui pour plusieurs milliers de francs. Un très grand tirage a même atteint un record de 24'000 francs. Preuve par les chiffres que ce Che au cigare, cet homme à la fureur contenue, au regard dominant de héros continue de nous fasciner, nous autres humbles mortels.
Sylvie Lambelet/mg