Le fameux tableau de Gustave Courbet (1819-1877), créé en 1866 et entré au musée d'Orsay à Paris en 1995, constitue un scandale majeur de l'histoire de l'art. Objet de fascination et de répulsion, l'oeuvre a été offerte à toutes les interprétations, comme l'indique Thierry Savatier dans son ouvrage de référence, "L'origine du monde".
Le tableau marque une date de rupture dans l’aventure de la peinture occidentale. Courbet, qui n'a cessé de revisiter le nu féminin et parfois de manière franchement libertine, s'autorise ici une audace et une franchise qui donne au tableau son pouvoir de fascination. "La description quasi anatomique d'un sexe féminin n'est atténuée par aucun artifice historique ou littéraire", relève ainsi le musée d'Orsay. Et de poursuivre: "Grâce à la grande virtuosité de Courbet, au raffinement d'une gamme colorée ambrée, L'Origine du monde échappe cependant au statut d'image pornographique".
Et pourtant, c'est justement cette dimension pornographique qui lui vaut aujourd'hui les foudres de la censure de Facebook. Pourtant, c'est avant tout de trouble du regard dont il est ici question. Aucune obscénité dans cette peinture charnelle par excellence d'un Courbet qui se réclame de Titien et Véronèse, de Corrège et qui s'est vu exposée pour la première fois qu'en 1988 à New York.
La toile représentant une femme nue couchée, la tête légèrement en arrière, la bouche entrouverte et les cuisses ouvertes avait ainsi vécu heureuse et cachée pendant plus d'un siècle. N'empêchant toutefois par les jugements au fil des ans: sujet scabreux, provocation choquante, pochade pornographique sans importance, toile tout juste digne de figurer dans l'enfer d'un collectionneur érotomane, etc... Mais c'est dans les années 1990 seulement, après son accrochage au musée d'Orsay, que la polémique sur le caractère sulfureux d'une oeuvre ayant surtout voyagé sous le manteau renaît véritablement en France.
C'est en réalité à la faveur de la nouvelle loi française réprimant la pornographie dans le code pénal que sa reproduction fait scandale. Couvertures de livre, reproduction du tableau sur la toile se voient censurés alors que l'accrochage de "L'origine du monde" à Orsay continue de ne susciter aucune levée de bouclier. Et la question de sa censure une question vraiment incongrue, relève Thierry Savatier.
Olivier Horner