Que disent les vêtements d'une époque? Et comment l'expression vestimentaire participe-t-elle de l'expression culturelle? Le Kunsthaus de Zurich se penche sur ces questions dans son exposition "Fashion Drive. Vêtements extrêmes dans l'art". A travers plus de 230 œuvres et des modèles de vêtements, elle retrace l'histoire des relations entre l'art et la mode.
L'exposition présente des vêtements extrêmes qui expriment le pouvoir, les valeurs d'une classe sociale mais qui affirment aussi la personnalité, comme les riches ornements portés par les puissants à la Renaissance dans les portraits grands formats venus de toute l'Europe sur lesquels s'ouvre l'exposition "Fashion Drive".
500 ans de relation entre art et mode
La mode, comme tous les arts, se nourrit des créations passées. Rien de surprenant à cela, mais l'exposition proposée au Kunsthaus de Zurich l'illustre clairement. Dès les premiers tableaux, le constat s'impose avec une série datant du XVIe siècle, une galerie d'imposants portraits de commande ou l'on voit des aristocrates poser dans leurs plus beaux atours. Ils portent tous des crevés, à savoir des habits troués, lacérés, savamment découpés. Cinq siècles avant Vivienne Westwood, la papesse de la mode punk, des créateurs de la Renaissance célébraient ainsi l'ironie et le décalage.
Ce télescopage des époques est l'une des nombreuses découvertes proposées par cette exposition qui couvre ainsi un peu plus de 500 ans de relation entre la mode et l'art. Une histoire qui voit la mode parfois inspirer les artistes et les artistes inspirer la mode. Ainsi de Watteau, peintre de la mise en scène, qui lança le trend des plis dorsaux dans les robes à la française. Ce va et vient incessant infuse cet accrochage dans lequel on découvre tant l'élégance froide des dandys que celle savamment élaborée, pilotée des top models.
Les habits de pouvoir
Le vêtement raconte l'époque et les rapports entre les sexes. Il est intéressant à cet égard de constater qu'à l’époque de Brummell et d'Oscar Wilde, les femmes vivaient un retour à une sorte d'enfermement et de corsetage, avec le retour de la crinoline. Les artistes en rendent compte parfois avec humour comme Edouard Manet qui peint Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire le corps comme entravé par cette architecture de métal.
Au XXe siècle, le corps se libère et la mode trouve un large public. Des artistes comme Gustav Klimt ou le futuriste Giacomo Balla élaborent des vêtements. Rapidement, les créateurs s'associent avec des entrepreneurs et l'habit devient objet de consommation. Pour mieux les vendre, la publicité se développe et les mannequins apparaissent. Icônes, ils deviennent top modèles et inspirent les plus grands artistes de Warhol à Sylvie Fleury.
L'exposition illustre cette accélération des rapports entre la mode et l'art qui au XXIe siècle est marqué par l'artificialité, la déconstruction du corps mais aussi la critique du culte des marques. L'exposition zurichoise se fait alors plus politique et écologique lorsqu'elle évoque notre monde contemporain à l'heure de la mode comme bien de consommation de masse.
Michel Masserey/Séverine Ambrus/mh
"Fashion Drive", Kunsthaus de Zurich, jusqu'au 15 juillet 2018