Ils sont tous nés à Stampa, dans les Grisons, avec l'Engadine au-dessus et l'Italie en dessous. Le plus célèbre de la dynastie s'appelle Alberto (1901-1966), peintre et sculpteur, célèbre pour ses figures filiformes et sa déclinaison de "L'Homme qui marche".
Autour de cet aîné aux cheveux en bataille et aux doigts jaunis par la nicotine, il y a ses deux frères. Diego (1902-1985), designer et soutien indéfectible d'Alberto avec qui il partageait le même atelier parisien, et Bruno (1907-2012), l'architecte, le concepteur du pavillon suisse à la Biennale de Venise en 1952, filleul de Ferdinand Hodler et principal donateur des oeuvres familiales.
Mais ce jeu des familles ne serait pas complet sans le père, Giovanni (1868-1933), lui-même peintre, comme son frère, Augusto (1877-1947). Et sans la mère, dont l'influence fut énorme sur ses fils, en particulier Alberto qui lui était très attaché.
2018, l'année Giacometti
La famille grisonne a marqué l'année 2018. En juin, l'institut Giacometti ouvrait ses portes au coeur de Montparnasse, à Paris; la Fondation Beyeler rendait hommage à Giacometti et Bacon, les deux artistes majeurs du XXe siècle, tandis que le musée Picasso s'attachait à faire connaître le travail de Diego. Sans oublier le film de Stanley Tucci, portrait plutôt amusant d'Alberto, avec Geoffrey Rush dans le rôle du maître sculpteur.
>>> A regarder la bande-annonce du film "Final Portrait", de Stanley Tucci:
Les Giacometti sont intimement liés à Stampa, ce village du fond de la vallée Bregaglia où Alberto revenait en novembre, quand les journées sont courtes et le soleil arrêté par les cimes des montagnes. Tous sont enterrés au creux de cette vallée que le temps a laissée intacte.
C'est dans ce même village, beau et austère, où on parle l'italien, que se niche le Centro Giacometti, articulé autour de la famille de l'artiste. On peut y voir en ce moment une exposition ludique et colorée sur cette dynastie d'artistes qui n'a cessé de faire l'expérience de l'étranger, parlant plusieurs langues et appréhendant plusieurs cultures.
Une application innovante, une oeuvre en soi
Montée par deux Giacometti cousins qui se connaissaient à peine, Marco, directeur du centre grison, et Emmanuelle, directrice de l'Espace des inventions à Lausanne, cette exposition est complétée d'un dispositif nomade et innovant, une application à télécharger, qui met en images la vie d'Alberto.
Nous avons parlé avec ceux qui l'ont connu, et on s'est demandé comment utiliser ces entretiens? L'idée d'une application est née, avec des scènes rejouées par des acteurs, dans les lieux où ces événements se sont produits.
Par exemple, l'endroit précis où l'artiste a envisagé sa mort prochaine avec son médecin; l'auberge du village où le sculpteur avait l'habitude de dessiner sur le bois avec ses ongles, ce qui agaçait un peu la serveuse; ou encore le jardin qui montre un Alberto joyeux, en train de faire des bêtises.
Pister les fantômes
Si le nom de Giacometti est intimement lié à Stampa, que reste-t-il de concret de cette famille d'artistes?
Leurs oeuvres ont été dispersées dans les musées du monde entier. Il ne reste que leurs fantômes.
Mais les fantômes laissent des traces et c'est bien ce que l'application "Giacometti Art Walk" entend capter et restituer à travers la réalité virtuelle.
Propos recueillis par Isabelle Carcelès/réalisation web: mcm