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"Soirée d'un faune", ballet dessiné insolite signé Ruppert et Mulot

La couverture de "Soirée d'un faune" de Ruppert & Mulot. [Editions L’association]
La chronique BD / 12 min. / le 18 septembre 2018
Pliée comme une carte routière, cette gigantesque illustration composée d'une seule case BD a été conçue comme une postface au célèbre ballet de Debussy "Prélude à l’après-midi d’un faune".

En 1876, dans son poème "L’Après-midi d’un faune", Stéphane Mallarmé écrivait: "Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins!". 142 ans plus tard, les auteurs Ruppert et Mulot ont manifestement écouté ce conseil.

"Soirée d’un faune", leur dernière publication, offre la suite du poème de Mallarmé et du "Prélude à l’après-midi d’un faune" mis en musique par Debussy et chorégraphié par Vaslav Nijinski. Ruppert & Mulot dessinent de la danse classique, mais aussi l’excès sous toutes ses formes. D’une dimension de 132 x 100 cm, l’œuvre se compose de dizaines de danseurs et danseuses se livrant à diverses pratiques sexuelles ou à l’escalade.

Un objet insolite

Si l’on parle de "publication" et non pas de "livre", c’est parce que cet opus prend une forme vraiment particulière sous la forme d'une gigantesque illustration imprimée sur une seule page, pliée à la manière d’une carte routière. Un objet insolite, quasi obsolète, à l’heure de Google Maps.

Carte illustrée "Soirée d'un faune" de Ruppert et Mulot. [L'Association]
Carte illustrée "Soirée d'un faune" de Ruppert et Mulot. [L'Association]

L’action se déroule peut-être dans une salle de danse, ou dans un théâtre. Il y a du parquet, des échafaudages, des rideaux, mais aussi un hélicoptère, des parcs à vélos, un bar.

Il y a aussi des gens. Des femmes en tutu, des cyclistes, qui dansent et qui se bagarrent, qui boivent, qui baisent. C’est flou.

La lecture est difficile à appréhender. Par où commencer face à cette énorme illustration? "Ça se lit comme on regarde un ballet. Le regard peut s’accrocher à un danseur ou à l’ensemble. L’illustration est construite ainsi. Elle laisse l’œil voyager dans l’image" explique Florent Ruppert, interviewé lors du festival BDFil.

Indiscernables dans le dessin et l'écriture

Ruppert et Mulot sont deux, mais ils travaillent à quatre mains. Il n’y a pas particulièrement de scénariste, ou de dessinateur parmi eux. Ils sont indiscernables dans le dessin ou même dans l’écriture, puisqu’ils ont développé une écriture identique.

Leurs personnages sont faits d’un simple visage en V. "C’est une solution graphique qui nous permet d’être indépendants sur le même dessin" explique Jérôme Mulot. "Le V est une synthèse du visage, qui est idéale pour ce grand dessin. C’est un attribut du visage qui permet de le dire, l’évacuer et se concentrer sur ce qu’il se passe dans l’image. Il y a peu d’émotion à mettre sur les visages, il y a plus à se concentrer sur les actions."

Un véritable tire-l'oeil

De la défonce, du cul et de la soirée qui se termine minable, il y en a beaucoup dans ce dessin. C’est une fête, un véritable tire-l'œil qu’il est impossible de lire en entier d’un coup. A chaque retour sur cette planche on découvre un autre détail, ou au contraire, un ensemble qu’on n'avait pas vu.

C’est une des particularités de Ruppert et Mulot, ils travaillent sur ce medium en cherchant à surprendre le lecteur. Ils peuvent aussi se donner des contraintes, comme avec leur strips verticaux dans les pages du journal Le Monde que l'on peut retrouver dans "Les week-ends de Ruppert et Mulot" (édition Dargaud/Aire Libre).

Ici, ils ont choisi une façon différente et originale de présenter leur travail. C’est réussi et on peut féliciter "L'Association" d’avoir osé cet objet cinglé.

Didier Charlet/aq

"La soirée d'un faune", Jérôme Mulot, Florent Ruppert, L'Association

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