Alex Prager, c'est une voix un peu aigrelette, comme une doublure de cartoon, qu'elle semble cultiver pour mieux tromper son monde, comme nous trompent ses images: ses mises en scène de jeunes femmes au look rétro, séduisantes et solitaires, mettent plutôt mal à l'aise. Sous la parade hollywoodienne, l'aliénation et l'effroi affleurent.
On pense à l'univers du cinéaste Douglas Sirk, dont Alex Prager est une grande admiratrice. Et comme lui, son vintage n'est pas décoratif, il révèle une détresse existentielle.
Les robes et accessoires que j'utilise renvoient à des périodes différentes pour qu'on ne puisse pas dater la scène, ni la contextualiser.
Renommée internationale en peu de temps
Proche du milieu de la mode avec lequel elle collabore fréquemment, Alex Prager, 39 ans, connaît un succès fulgurant puisqu'elle a déjà été exposée dans les plus grands musées du monde, dont le MoMa de New York.
Autodidacte, elle a exposé ses premières photos dans un salon de coiffure de Los Angeles, observant avec attention ce que les clientes regardaient pour s'en nourrir. Pour elle, le lien avec le public est capital. Ce n'est pas un hasard si, en 2015, l'opéra Bastille l'a invitée à réaliser "La Grande Sortie", un film qui explore la tension entre l'expérience de la performance sur scène et le regard du public.
Mises en scène hyper-réalistes
Qu'il s'agisse de photographie ou de courts-métrages, Alex Prager planifie tout méticuleusement. Pour "Face in the Crowd", installation vidéo de dix minutes, elle s'est occupée personnellement du recrutement des figurants: "J'habille les gens, je les transforme en personnages; je dessine leur moustache, leur coiffure, leurs accessoires; je leur dis ce que je veux qu'ils soient et ensuite les choses arrivent toutes seules. Il est impossible de contrôler 350 personnes dans une pièce", dit Alex Prager.
Singulière, n'appartenant à aucune école
Grâce à la perspicacité de sa directrice, Nathalie Herschdorfer, le Musée des Beaux-Arts du Locle expose en ce moment une première rétrospective de l'oeuvre de cette artiste qui parle de la solitude des foules en technicolor. "Alex Prager n'appartient à aucun mouvement, aucune école: elle est vraiment indépendante, singulière, sans jamais être redondante".
Sujet proposé par Julie Evard
Réalisation web Marie-Claude Martin
Rétrospective Alex Prager, au Musée des Beaux-Arts du Locle, du 3 novembre 2018 au 27 janvier 2019.