Premier produit mondialisé, les indiennes ont conquis l'Europe aux 18e et 19e siècles. Solides et lavables, ces toiles de coton teint originaires des Indes ont constitué une véritable révolution. A Neuchâtel, des entrepreneurs protestants qui avaient fui la France se sont alors lancés dans cette industrie.
Depuis le 7 octobre, l'exposition du Musée d'art et d'histoire de Neuchâtel (MAHN) fait découvrir les stratégies des producteurs locaux de l'époque pour conquérir de vastes marchés en Europe et intégrer la région au sein des circuits internationaux. Une région qui présentait un atout: son lac.
"L'indiennage nécessite beaucoup d'eau pour les différentes opérations de nettoyage et de teinture des tissus", explique dans le 19h30 Philippe Lüscher, conservateur du département des arts appliqués du MAHN. "Le lac avait un autre avantage indéniable: les transports de matière première s'effectuaient par barque."
Des stratégies commerciales développées
Une fois produites, ces toiles circulaient ensuite dans toute l'Europe. Pour plaire aux consommateurs des différents pays, les Neuchâtelois s'attachaient à connaître les tendances du moment, comme le fait voir l'exposition.
"Pour cela, les Neuchâtelois ont mis en place des stratégies commerciales très développées et ont participé aux foires européennes où ils envoyaient des carnets d'échantillon afin d'être directement en contact avec les clients", détaille Lisa Laurenti, commissaire scientifique.
Des produits d'échange dans le commerce triangulaire
Mais l'histoire économique des indiennes présente également une part sombre. Car ces tissus ont occupé une place particulière dans le commerce triangulaire et la traite des Noirs.
"Les indiennes comptent parmi les principaux produits qui ont été échangés en Afrique contre des captifs noirs qui étaient destinés à travailler comme esclaves dans les colonies", indique Chantal Lafontant Vallotton, codirectrice du MAHN.
Il est ainsi clairement établi que des Neuchâtelois se sont expatriés et ont produit des indiennes de traite dans les grands ports négriers.
Une version contemporaine grâce à des étudiants
A la fin du 19e siècle, la mécanisation et les changements dans la mode sonnent le glas de la production neuchâteloise. Mais ces toiles inspirent toujours les créateurs d'aujourd'hui.
Pour cette exposition, le musée a collaboré avec la filière textile de la Haute école spécialisée d'art de Lucerne (HSLU). De jeunes designers ont réinterprété d'anciens motifs en s'inspirant de collections de dessins, d'empreintes et de toiles imprimées de Neuchâtel. De quoi faire voyager le visiteur entre passé et présent.
Reportage de Léa Jelmini
Adaptation web de Tamara Muncanovic
>> "Made in Neuchâtel: deux siècles d'indiennes" à découvrir au Musée d'art et d'histoire de Neuchâtel jusqu'au 19 mai 2019