Modifié

"Genesis 2.0", le film qui part à la poursuite du mammouth laineux

Affiche du film "Genesis 2.0" de Christian Frei. [Christian Frei]
"Genesis 2.0", documentaire de Christian Frei, consacré aux chasseurs de mamouths / La Matinale / 2 min. / le 27 novembre 2018
Le cinéaste soleurois Christian Frei revient sur les écrans avec "Genesis 2.0", un documentaire qui nous entraîne de l’archaïsme de la Nouvelle Sibérie aux laboratoires du futur.

Chaque été des chasseurs traquent le mammouth dans l’archipel de la Nouvelle-Sibérie, qui se trouve dans l’océan Arctique, au nord-est de la Russie. Plus précisément, ils recherchent des défenses d’un animal disparu il y a 4000 ans, le mammouth laineux. Pendant des siècles, toucher aux ossements géants était tabou. Aujourd’hui le précieux ivoire s’échange à prix d’or sur le marché asiatique.

Un butin de valeur marchande mais pas seulement. Car lorsqu’ils mettent la main sur l’ivoire, les explorateurs de la toundra trouvent parfois aussi des carcasses du grand proboscidien. Certaines, prises dans la glace depuis 30'000 ans, conservent encore de la chair et du sang. Des tissus qui contiennent le précieux ADN tant convoité par des généticiens qui tentent de recréer le grand proboscidien de l’âge de glace.

Du sang résistant au froid

Par ailleurs, en génie génétique, il est théoriquement possible de modifier le génome d’un éléphant asiatique de façon à ce qu’il corresponde à celui du mammouth. Il aurait ainsi de plus longs poils, de plus grandes défenses et du sang résistant au froid.

Bien sûr, cette technique ne donnera jamais un mammouth laineux à 100%, mais la nouvelle espèce ainsi conçue pourrait par être réintroduite dans la toundra sibérienne.

La révolution génétique

Pour concevoir son film, Christian Frei, cinéaste soleurois nominé aux Oscars en 2002 ("War Photographer"), s’est notamment basé sur les travaux du célèbre généticien George Church. Ce chercheur, qui est à l’origine de l'un des travaux scientifiques les plus ambitieux jamais tentés, le séquençage du génome humain, postule que le génie génétique sera la prochaine révolution technologique et marquera une étape nouvelle pour l’espèce humaine.

Une évolution qui fascine et fait froid dans le dos, car évidemment elle ne s’arrête pas à la réintroduction d’une espèce disparue. En Corée, un laboratoire clone déjà des caniches pour 100'000 dollars, et les Chinois travaillent à modifier le génome humain.

"Ce qui est en train d’arriver, c’est une technologie qui veut avoir une emprise sur la vie", explique au 19h30 Christian Frei. "On n’essaie pas seulement de lire l’alphabet de la vie, comment nous sommes programmés et comment nous fonctionnons, notre ADN, notre génome. Mais on veut l’éditer et le réécrire. L’être humain devient créateur."

>> Voir aussi le sujet du 19h30 sur le documentaire :

Genesis 2.0, un documentaire sur le clonage d'un mamouth grâce au cadavre d'un spécimen pose des questions d’éthique.
Genesis 2.0, un documentaire sur le clonage d'un mamouth grâce au cadavre d'un spécimen pose des questions d’éthique. / 19h30 / 2 min. / le 27 novembre 2018

Dans "Genesis 2.0", Christian Frei oppose les reliques millénaires aux technologies futuristes pour mener une réflexion philosophique sur la notion de vivant, mais plus foncièrement sur les fondement éthiques et biologiques de notre humanité. Vertigineux.

Propos recueillis: Sophie Iselin

Réalisation web: Manon Pulver

Publié Modifié

Une démarche qui pose des questions

La démarche visant à recréer un mammouth interroge certains scientifiques. "Je ne comprends pas très bien pourquoi ces personnes veulent réaliser cette expérience au-delà de la prouesse scientifique. Je pense même que cela pourrait être extrêmement dangereux", déclare au 19h30 le Dr. Gisou van der Goot, doyenne de la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL.

Au sortir du film, impossible de ne pas penser à l’étape suivante… après l’animal, le clonage humain. "Je pense qu’il faut être extrêmement vigilant. Même sans cloner, simplement le fait de modifier génétiquement l’homme, cela suscite énormément d’espoir au niveau thérapeutique, ainsi qu’énormément de risques", indique la scientifique. "Ce n’est pas une discussion qui doit être laissée uniquement aux chercheurs. Il faut que la population soit impliquée.(…) Dans la mesure où c’est faisable, quelqu’un va le faire sur cette planète."