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Avec "La Mule", Clint Eastwood signe une fantaisie crépusculaire

Le réalisateur Clint Eastwood lors de la première de son dernier film "La mule" en décembre 2018. [AFP/Getty Images North America - Kevin Winter]
Clint Eastwood de retour au cinéma avec "La mule", son 37e film / La Matinale / 1 min. / le 22 janvier 2019
Clint Eastwood revient devant la caméra pour jouer le rôle d'un passeur de drogue pour le cartel mexicain. A la fois autoportrait ironique, faux polar, mélodrame et road-movie, "La Mule" est aussi son film le plus drôle.

Avec "La Mule" (sortie mercredi 23 janvier), Clint Eastwood remet sa double casquette d'acteur et de réalisateur, dix ans après "Gran Torino".

Inspiré d'une histoire vraie, le film raconte l'histoire d'Earl Stone, un horticulteur qui a passé sa vie à écumer le pays pour présenter ses orchidées dans tous les salons. À l'âge de la retraite, et après avoir déposé le bilan en raison de la concurrence d'Internet, ce vétéran de la guerre de Corée se retrouve à la rue, rejeté par une famille qui n'en peut plus de son égoïsme, et particulièrement sa fille, dont il a oublié le mariage.

Faire la mule pour avoir du blé

Mais Earl a encore quelques atouts: il possède un vieux pick-up, n'a jamais eu de contravention et son look de papy est terriblement rassurant. Approché pour faire le chauffeur entre le Mexique et les Etats-Unis, il accepte, d'abord sans le savoir, de faire la mule pour un cartel de narcotrafiquants mexicains. Il découvre alors le plaisir de redevenir quelqu'un - c'est la star des passeurs - et profite de cet argent facilement gagné pour se racheter auprès de sa famille, mais aussi pour réparer les locaux d'un cercle de vétérans détruit par un incendie. Un bien pour un mal.

Clint s'amuse...

"Film aux allures de testament" pour Sophie Iselin, journaliste de la RTS, qui rappelle que la fille de Earl est incarnée par la propre fille d'Eastwood, (Alison Eastwood), "La Mule" est néanmoins porté par une sorte d'euphorie fataliste. Comme acteur, Clint Eastwood s'amuse. D'abord d'incarner un homme de son âge dans un premier rôle, un personnage plein de contradictions et de fantaisie mais aussi pétri d'humanité. Ensuite de jouer avec sa réputation.

Le film offre toute une gamme de répliques politiquement incorrectes et de déclarations "républicaines" qui font sourire plus qu'elles ne choquent, peut-être parce que le personnage ne les revendique jamais. Earl s'accommode de ce qu'est devenu le monde puisqu'à l'âge qu'il a, il n'en fera bientôt plus partie.

Alors au lieu de grogner, il en profite: il chante à tue-tête au volant de sa voiture comme s'il partait en vacances, échappe à la surveillance du cartel et des flics pour manger les meilleurs sandwiches des Etats-Unis, se moque gentiment de l'incapacité des hommes d'aujourd'hui à changer une roue sans consulter leur smartphone et n'éprouve aucune gêne à jouir pleinement de l'hospitalité du maître du cartel.

...Eastwood aussi

Pour son 37e film, Clint Eastwood s'amuse aussi en tant que réalisateur. Alors que tout va vite, le cinéaste prend le temps. Le temps de filmer les paysages de cette Amérique à laquelle il appartient, de scruter les corps, leurs usures et leurs transformations, de rendre hommage à l'éphémère des orchidées auquel son personnage a sacrifié sa vie, au détriment de sa famille. "The Mule" est un slow movie et pour Philippe Congiusti, critique cinéma à Couleur 3, "cela fait du bien, beaucoup de bien".

Dans sa carrière, Eastwood a traité tous les genres, du western à la romance bouleversante, de la tragédie familiale au mélodrame, en passant par le film musical, le polar ou le road-movie. L'air de rien, avec son côté tranquille, "La Mule" fait la synthèse de tous ces genres. Crépusculaire? Oui, puisque le mot crépuscule ne désigne pas seulement la lueur qui persiste après le coucher du soleil mais aussi la lumière qui précède son lever.

Marie-Claude Martin

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