Né de père danois et de mère américaine, Viggo Mortensen a passé son enfance en Argentine avant de revenir aux Etats-Unis. Cosmopolite et polyglotte (anglais, danois, espagnol, français), l'acteur est aussi musicien, photographe, peintre - il a déjà fait plusieurs expositions. Il dirige même une maison d'édition, "Perceval Press", spécialisée dans l'art et dont la mission est de faire découvrir des artistes encore méconnus. C'est ce que le XVIIe siècle appelait un honnête homme.
Changement d'image avec "Green Book", la comédie de Peter Farrelly. L'acteur fétiche de David Cronenberg incarne Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, ventripotent, raciste ordinaire et grande gueule. Il est aussi frustre que son patron, Don Shirley, un pianiste virtuose noir qui l'a engagé comme chauffeur, est raffiné. Les deux hommes vont pourtant nouer une amitié indéfectible lors d'une tournée de deux mois dans l'Amérique ségrégationniste des années 60. Le film est basé sur une histoire vraie.
Surprendre par son casting
Le personnage de Tony Lip est très éloigné de l'image qu'on a de Viggo Mortensen, révélé par la trilogie du "Seigneur des Anneaux". Très loin aussi de ce que le comédien est dans la vie, lui qui a appelé à voter pour l'écologiste Jill Stein après avoir soutenu Bernie Sanders. Peter Farrelly qui joue habilement des stéréotypes dans son film avait envie de surprendre le spectateur par son casting inattendu, propice à faire sourire. "Peter voulait proposer quelque chose de différent pour que les gens soient d'abord attentifs à l’histoire. Il m'a dit qu'il souhaitait de bons acteurs, aux visages francs et aux personnalités fortes".
Mais cela ne suffit pas à le convaincre. Viggo Mortensen a vraiment compris qu'il ne pourrait endosser le rôle qu'après avoir beaucoup fréquenté les Vallelonga (le vrai nom de Tony Lip), une famille assez folle, chaleureuse et affectueuse.
J'ai pu les observer, les écouter, découvrir des enregistrements audio et vidéo du vrai Tony Lip. Cela m'a beaucoup aidé.
C'est la réaction qui provoque le rire
Pour le comédien, plutôt profilé cinéma d'auteur, l'occasion était belle de changer de registre et de s'essayer, lui qui a l'oreille musicale, à un genre qui demande rythme et tempo. Viggo Mortensen a ainsi découvert que ce qui rend un dialogue ou une situation amusante, "ce n'est pas ce que tu fais ou ce que tu dis, mais la manière dont réagit ton interlocuteur. C’est un travail d’équipe. Mahershala Ali (son partenaire) et moi avons trouvé par chance le bon rythme et c’était amusant".
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Un langage construit comme un puzzle
Même s'il a le don des langues et quelques notions d'italien, Viggo Mortensen a construit "comme un puzzle" la façon de parler de son personnage. "Le père de Tony ne s'exprimait qu'en italien, ou plutôt en calabrais tel qu'il était pratiqué des décennies auparavant. C'est dans cette langue que communiquaient le père et le fils. Les mots d’italien que j’utilise dans le film sont d'ailleurs typiques du sud du pays, typiques aussi d’une certaine époque."
Cette attention à la langue, à ses détails, à ses particularités, a aidé le comédien à capter d'autres aspects de son personnage et de sa famille.
La manière de parler a un impact sur la façon dont tu manges, dont tu bouges dans l’espace, dont tu fonctionnes avec les autres, dont tu caresses tes enfants. Tout est connecté, j'adore découvrir cette mécanique.
La préhistoire du personnage
Viggo Mortensen a développé une méthode: avant d'accepter un rôle, il doit connaître "la préhistoire" de son personnage, imaginer ce qu'il faisait avant la première page du scénario, lui prêter une vie au-delà du film. Le comédien s'est donc documenté, en visionnant des film d'époque et en parlant avec de vieilles personnes du Bronx, sur la manière de s'habiller, de se comporter, de manger dans les années 60. Dans la foulée, au vu du régime alimentaire de son personnage, il a aussi pris quelques kilos...
Propos recueillis par Michel Masserey
Adaptation web: Marie-Claude Martin