> Le cinéaste genevois Claude Goretta, âgé de 89 ans, est décédé, a annoncé jeudi sa famille. "Il s'est éteint mercredi après-midi à son domicile genevois entouré de sa famille", a dit son fils Lucas Goretta.
> Primé au Festival de Cannes pour ses fictions "L'Invitation", en 1973, et "La Dentellière", quatre ans plus tard, il a reçu un Quartz d'honneur du cinéma suisse pour l'ensemble de son œuvre en 2010.
> Il faisait partie du "Groupe 5" - la "nouvelle vague" romande - avec Alain Tanner, Michel Soutter, Jean-Jacques Lagrange et Jean-Louis Roy, créé en 1968.
> Cinéaste profondément humaniste, Claude Goretta était imprégné de l'expérience accumulée à la Télévision suisse romande, pour laquelle il a travaillé en signant des documentaires et des reportages.
Un dossier proposé par RTS Culture.
Claude Goretta s'est éteint à 89 ans
Père fondateur de la TSR
Il faut savoir quand les choses sont sans espoir, mais s'efforcer de toujours vouloir les changer.
Claude Goretta s'est "endormi paisiblement chez lui comme il l'avait toujours souhaité. Il était entouré par sa famille", a indiqué celle-ci à Keystone-ATS.
Né le 23 juin 1929 à Genève, le cinéaste était aussi réalisateur à la télévision, producteur et scénariste. Il a tourné près de quarante films.
Sur le plan international, il a été distingué au Festival de Cannes où il a reçu le Prix du Jury pour "L'Invitation" (1973), avec Michel Robin, François Simon et Jean-Luc Bideau, et celui du Jury oecuménique pour "La Dentellière" (1977), avec Isabelle Huppert.
Claude Goretta a tourné avec d'autres figures du cinéma français, comme Gérard Depardieu dans "Pas si méchant que ça" (1974) ou Nathalie Baye dans "La Provinciale" (1981). Son plus grand succès, reste toutefois "La Dentellière", en Suisse comme en France.
En 2010, Claude Goretta a reçu un Quartz à Lucerne, lors de la Fête du cinéma suisse, pour l'ensemble de son oeuvre. L'année suivante, il s'est vu remettre un Léopard d'honneur au Festival international du film de Locarno.
Claude Goretta, cinéaste des humbles
Le Groupe 5
Réalisateur autodidacte, Claude Goretta a été un des initiateurs du Ciné-club universitaire genevois. Il coréalise son premier court-métrage ("Nice Time", 1957) à Londres, avec Alain Tanner. Il entre ensuite à la Télévision suisse romande, pour laquelle il va réaliser de nombreux documentaires pour l'émission "Continents sans visa", ancêtre de "Temps Présent", ainsi que des dramatiques (des fictions tournées en studio).
Membre fondateur à la fin des année 1960 du "Groupe 5" aux côtés d’Alain Tanner, Jean-Louis Roy, Michel Soutter et Jean-Jacques Lagrange, Claude Goretta reconcilie la cinéma et la télévision, entre films pour le grand écran et productions pour la TSR. Le collectif bénéficiera des ressources de la télévision pour travailler au cinéma et sera à l’origine de ce qu’on appellera le nouveau cinéma suisse.
Bon vent Claude Goretta
Portrait du cinéaste par Lionel Baier
En 2011, à l'occasion de la rétrospective consacrée à la carrière de Claude Goretta, le jeune cinéaste Lionel Baier a réalisé un portrait, dans les pas de son "maître".
Tout commence par "L'invitation" pour le jeune cinéaste lausannois. Un "film compagnon de route" dit-il. Pour lui, c'est la preuve définitive qu'on peut être profondément tchekovien tout en étant suisse.
Ensuite, un petit rituel s'installe: Lionel Baier écrit une lettre à Claude Goretta avant chaque entretien.
Ensuite, il va à Genève interroger son aîné afin de savoir comment a été bruité le jet d'eau de du film, pourquoi il faut faire attention aux détails ou comment cadrer un grand acteur comme François Simon.
Et pour comprendre comment tout cela fonctionne, Lionel Baier remet en scène des bouts de "Pas si méchant que ça", de "La dentellière" ou de "Jean-Luc Persécuté".
C'est avec "L'Invitation" (1973) que la carrière de Claude Goretta prend une dimension internationale.
Toujours réalisé dans le cadre du Groupe 5, mais en coproduction avec la France, le cinéaste genevois adapte une pièce de Michel Viala qui démasque les frustrations d’un groupe d’employés de bureau invités à une réception par l’un de leur collègue (Michel Robin). Dans la somptueuse maison de campagne dans laquelle se déroule la fête, sur fond d'alcool et d'envie, l’invitation va dégénérer…
Prix spécial du Jury à Cannes, son deuxième long-métrage de cinéma révèle une certaine forme du malaise helvétique, s’inscrivant dans la lignée ludique de "La Règle du jeu" (1939) de Jean Renoir, auquel le réalisateur de "La Dentellière" a fait référence.
La Dentellière
L'un des plus grands succès suisses
Je suis naturellement poussé à la rencontre des gens qui n'ont pas le langage.
Le cinéaste avait tourné "La Dentellière" (Prix du jury œcuménique au festival de Cannes, 1977), tiré du roman de Pascal Lainé, avec comme principale protagoniste la toute jeune Isabelle Huppert. Avec près de 250'000 entrées, cette réalisation est l'un des 20 plus grands succès du cinéma suisse.
Pomme (Isabelle Huppert) et François (Yves Beneyton) vivent une belle histoire d’amour fragilisée par des différences sociales et culturelles.
Issue d'un milieu modeste, Pomme est une apprentie coiffeuse, très réservée et qui ne parle pas beaucoup. Sa patronne et amie Marylène, exubérante et plutôt expansive, emmène Pomme passer quelques jours de vacances à Cabourg, sur la côte normande.
La jeune coiffeuse y rencontre François, brillant étudiant venant d’un milieu aisé. Lui aussi est très timide. Lors de leur retour à Paris, ils vont vivre un beau début d’histoire d’amour, mais le fossé se creuse car tout les sépare.
Révélation du film, Isabelle Huppert se rappelle du tournage avec Claude Goretta et du sentiment de familiarité que le personnage de Pomme lui a procuré.
Cinéma et télévision
Les archives de la RTS
Claude Goretta a marqué avec ses réalisations de documentaires et reportages l'histoire de la Radio Télévision Suisse.
Retour sur quelques moments forts d'une riche carrière dans un dossier spécial des archives de la RTS.
En 1973, l'émission culturelle de la TSR Plateau Libre s'est rendue dans la campagne genevoise. C'est là que le cinéaste suisse Claude Goretta tourne son nouveau film "L'invitation".
Sur le tournage, on peut voir les acteurs suisses Jean-Luc Bideau et François Simon. L'équipe de Plateau Libre s'est entretenue avec Claude Goretta, et avec les comédiennes Corinne Coderey (qui incarne le personnage de Simone) et Neige Dolsky, qui interprète Emma.