La 22e édition du Festival international de Fribourg s'est ouverte vendredi et se clôturera le 24 mars. Entretemps, le FIFF aura programmé 105 films de 58 pays et signé, comme le festival de Locarno et les Journées de Soleure, la Charte pour l'égalité et la diversité.
Pour témoigner de son engagement en faveur des femmes et de la diversité, la section décryptage du Festival organise un événement autour de l'essai collectif "Noire n'est pas mon métier". Publié aux éditions du Seuil en mai 2018, ce manifeste se compose des témoignages de seize comédiennes afro-descendantes. Elles y dénoncent les humiliations et les stéréotypes racistes dont elles ont été victimes dans le milieu du cinéma et de la télévision française, mais aussi dans le monde de la culture en général.
Une liste de films très éclectique
L'idée du FIFF est simple: chacune des seize auteures de ce manifeste a choisi une oeuvre qui évoque la réalité de la femme noire ou métisse. Parmi les invitées, l'actrice et réalisatrice Magaajyia Silberfeld, 24 ans, Nigérienne par sa mère, Française et juive polonaise par son père.
Curatrice de cet événement, elle parle d'une liste très hétéroclite. Pour sa part, elle a choisi "Al'lèèssi...une actrice africaine" (2004), de Rahmatou Keïta, premier documentaire africain à avoir été retenu en sélection officielle au Festival de Cannes.
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Les pionniers du cinéma africain
Le film raconte l'histoire des pionniers du cinéma africain, en particulier des cinéastes nigériens Moustapha Alassane et Oumarou Ganda, ainsi que de la première femme à avoir accepté de jouer devant une caméra, Zalika Souley. "J'ai découvert le film à 6 ans parce que je connaissais bien la réalisatrice (ndlr: c'est sa mère) et je l'ai vu tant de fois que je peux dire qu'il m'a accompagné toute ma vie", explique Magaajyia Silberfeld qui vient de tourner "The Wedding Ring", sous la direction de Rahmatou Keïta, premier film d'envergure à avoir été financé entièrement par des fonds africains.
Tous les clichés réunis
Plus iconoclaste, la comédienne Philomène Nga a fait le choix de "Black Mic-Mac" (1986), une comédie de Thomas Gilou qu'aucun directeur de festival n'aurait osé programmer. "Le film représente tous les clichés dont les femmes noires sont victimes. Elles sont mamans ou infirmières, s'appellent Aminata ou Madame Dialo, vivent en banlieue et ont forcément un fils délinquant".
Le public français est prêt
Pour l'actrice Mata Gabin, interrogée pour le journal de 12h45, le problème ne vient pas du public français, de plus en plus porté vers des plateformes comme Netflix qui s'emploie à mettre en valeur les acteurs et actrices issus de la diversité, mais du milieu du cinéma et de la télévision, campé sur ses préjugés.
Selon Magaajyia Silberfeld, qui a vécu trois ans à Los Angeles, il faudrait que la France, un peu à la manière américaine, décrète une loi en faveur de la diversité pour que les choses changent. Sous forme de subventions ou de quotas.
Aux Etats-Unis, mon agent me dit qu'il y a un rôle pour une fille de mon âge qui a telles ou telles caractéristiques. En France, on me dit qu'il a un rôle de noire.
La comédienne et réalisatrice qui constate qu'elle n'est "jamais assez blanche ou assez noire" refuse de se poser en victime. Au lieu d'attendre que les choses changent, elle mène plusieurs projets de front.
Propos recueillis par Julie Evard
Adaptation web: Marie-Claude Martin
Festival international du film de Fribourg, jusqu'au 24 mars.