"Dumbo" est-il soluble dans Tim Burton? A priori, oui. Dans le chef-d’œuvre de 1941, le petit éléphant aux grandes oreilles et privé de maman se découvrait un talent (voler) et trouvait une place (de star) dans le monde. Sa marginalité et sa mélancolie en faisaient déjà un personnage pré-burtonien.
Après une laborieuse mise en place, où l’on constate que le monde des humains a remplacé celui des animaux parlants, deux enfants, eux aussi sans mère, découvrent le talent de Dumbo. Le cirque, au bord de la banqueroute, est sauvé. Et le film prend la tangente.
Un remake sur l'après
Inspiré d’un texte d’Helen Aberson, l’original, en une petite heure de film, laissait Dumbo au seuil de la gloire. Tim Burton ("L’Etrange Noël de Monsieur Jack", "Edward aux mains d’argent") s’intéresse à l’après. Et déroule sa version des faits sur plus de deux heures. Devenu attraction de foire, Dumbo est vendu à un directeur de cirque obsédé par le profit (Michael Keaton).
Dumbo travaille désormais dans un parc d’attraction, Dreamland (Disneyland?), que l’orgueil humain a outrageusement gonflé à l’idéologie capitaliste. Il faut produire toujours et toujours plus. Un parc auquel Tim Burton met littéralement le feu.
Intégrer le système et tout faire flamber
Toute ressemblance avec le destin de Tim Burton n’est évidemment pas fortuite: travailler au cœur du système tout en conservant sa place d’artisan viscéralement anticonformiste.
Tout le film eût été de cette trempe, on aurait applaudi des deux mains. Mais le propos subversif du film se marie mal à son discours obligé, très actuel et très attendu. La petite fille du cirque veut devenir la nouvelle Marie Curie. Quant aux animaux, ils n’ont rien à faire dans des cages. En clair, soyons féministes, soyons écolos, libérons les animaux.
Les acteurs (Colin Farrel, Eva Green), figés dans leur archétype, en sont réduits à jouer une partition plate et sans surprises. Quant au petit éléphant numérique aux grands yeux bleus, plus anthropomorphe que jamais, il reste à la périphérie du film et peine à exister vraiment. Burton a perdu de vue la poésie modeste du premier "Dumbo". Sa version offre du spectacle et un peu de panache, mais point d’émotion.
Raphaële Bouchet/mcc