Chacun de ses films peut se lire comme un fragment d'autoportrait.
Enfant de parents divorcés, placé en nourrice dès l'âge de quatre ans par une mère qui pourtant l'adore, Alain Delon disait avoir trouvé sa vraie famille à l'armée, dans cette guerre d'Indochine qu'il embrasse par défi, pour vivre une vie plus romanesque. C'est à Saïgon qu'il découvre "Touchez pas au grisbi" avec Jean Gabin, un acteur qu'il admire et dont il n'imagine pas à l'époque qu'il deviendra un jour son partenaire.
Renvoyé de l'armée après avoir volé une Jeep pour faire la fête, Alain Delon revient en France en 1956. Il a vingt ans, aucun projet sinon de vivre libre et une gueule d'ange qui plaît aux femmes "qui le nourrissent et l'aident". Il vit alors à Pigalle, mais c'est à Saint-Germain-des-Prés qu'il rencontre Brigitte Auber, une des rares comédiennes françaises ayant joué pour Hitchcock. Elle a 28 ans. Il en a 20. Elle lui fait découvrir la Côte d'Azur, les boîtes et la dolce vita.
Jamais je n'aurais osé penser être un jour dans les bras d'une actrice. Jamais!
C'est Brigitte Auber aussi qui le présente à Michèle Cordoue, la femme d'Yves Allégret, qui le recommande à son mari. Le cinéaste souhaite un jeune premier à la fois candide et voyou pour "Quand la femme s'en mêle". Il propose le rôle au protégé de sa femme. Delon refuse. Allégret insiste. Delon décline encore une fois. Pour le convaincre, Allégret lui dit qu'il n'aura rien à faire, qu'il lui suffit de marcher, parler et sourire comme dans la vie.
J'ai fini par dire oui, mais pour lui faire plaisir.
Très vite, la caméra tombe amoureuse de ce garçon qui démode tous les autres jeunes premiers. Les propositions affluent, dont "Christine", une romance en costumes qu'il tourne avec Romy Schneider, déjà célèbre grâce à "Sissi", et quinze fois mieux payée que lui. Elle ne parle pas le français, il ne parle pas l'allemand. Elle le trouve vulgaire et insignifiant; il dit qu'elle est à vomir.
A la fin du tournage, ils seront fiancés et Romy débarque dans la vie de Delon.