C’est l'un des documentaires qui a le plus fait parler de lui depuis le début de cette année. Il a explosé toutes les audiences du genre sur Arte au moment de sa diffusion. Il était donc bien parti pour faire de même en replay sur le web sauf....
Sauf que "Religieuses abusées, l'autre scandale de l'Eglise" a été supprimé du site d’Arte sur décision de la justice allemande.
De quoi s'agit-il? Menée durant deux ans par Eric Quintin, Marie Pierre Raimbault et Elizabeth Drévillon, cette enquête filmée met en lumière les témoignages glaçants de jeunes soeurs ou nonnes violées par des prêtres, et montre un système d'emprise et d'impunité. Des événements qui ont eu lieu récemment.
Un prêtre saisit la justice
Sur les réseaux sociaux, le reportage a suscité beaucoup de réactions, beaucoup de commentaires de gens touchés, émus et surtout révoltés par l’histoire de ces religieuses absusées.
Mais qui dit levée d’un tel secret, d’un tel tabou dit aussi mises en accusation. Un prêtre allemand, qui n'est pas nommé dans le documentaire, s'estime pourtant reconnaissable. Il a saisi la justice pour interdire toute rediffusion, y compris sur internet, de cette enquête.
La Süddeutsche Zeitung, qui a dévoilé l'information, indique que la décision a été rendue le 20 mars par le tribunal d’instance de Hambourg. Il y est précisé que toute violation de l’ordonnance pourrait condamner la chaîne franco-allemande à "une amende pouvant aller jusqu’à 250'000 euros ou une peine d’emprisonnement jusqu’à deux ans".
Un porte-parole du tribunal a indiqué à l'AFP que cette "injonction temporaire" avait été prise car certaines déclarations du documentaire donnaient "l'impression que le requérant avait eu des rapports sexuels avec la nonne mentionnée dans le reportage contre son gré".
Quant à la chaîne franco-allemande, elle a annoncé qu'elle préparait un recours contre cette décision de justice et précise que le documentaire a été retiré de son site le 5 avril.
Balance des intérêts
Le tribunal doit tenir compte à la fois de la liberté d'expression, des intérêts du prêtre à ne pas être reconnu et du droit du public à être informé. En première instance, le juge allemand a tranché en faveur du prêtre.
Toute la difficulté à laquelle doit faire face le juge, c'est de mettre en balance les intérêts et de décider auxquels il accorde la priorité.
A une époque où tout est dupliqué, copié et relayé sur internet - cette enquête est d'ailleurs actuellement encore visible sur Youtube - la pertinence de la suppression d'une information se pose. Connue sous le nom d' "effet Streisand", cette volonté de censurer risque de déclencher le résultat inverse. Ainsi, le prêtre qui a réussi à interdire la diffusion d'un documentaire où son nom n’apparaît pourtant pas, pourrait ne pas rester anonyme très longtemps.
Sujet radio: Magali Philip
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente avec AFP
Un documentaire aussi diffusé sur la RTS
"Religieuses abusées, l'autre scandale de l'Eglise" avait été diffusé fin février dans l'émission "Temps Présent" sur RTS Un. Malgré un succès antenne - 223’000 téléspectateurs, soit 45,1% de part de marché - il n'est plus visible sur le site de la RTS. Une décision qui n'est pas juridique comme dans le cas d'Arte, mais qui concerne les mesures contractuelles. Lors de l'achat de ce documentaire, le contrat précisait que la durée du replay était de 30 jours. Une mesure tout à fait standard.
Jean-Philippe Ceppi, producteur de l'émission "Temps Présent" précise que la RTS n'a subi aucune pression de la part de l'Eglise ou de prêtres concernant la diffusion ou la rediffusion de cette enquête.