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La fiction, contre-campagne pour le don d'organes?

En Suisse tous les 5 jours un patient décède faute d’avoir pu être transplanté à temps. [Keystone - Gaëtan Bally]
La chronique culturelle - Le don d'organes dans la fiction / La Matinale / 3 min. / le 3 mai 2019
Il y a quelques jours aboutissait l'initiative populaire proposant de passer du consentement explicite au consentement présumé. Pourtant, cette réalité doit faire face à une contre-campagne menée depuis des années par... la fiction.

Déposée en mars avec près de 113'000 signatures, l'initiative populaire "Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes" a abouti mardi. Les Suisses voteront donc vraisemblablement sur le consentement implicite au don. Autrement dit: qui ne dit mot consentirait à donner ses organes. Une réalité convaincante, mais qui doit faire face à une contre-campagne menée depuis des années par nombre de films, séries ou livres.

Dernier exemple en date, "Chambers", toute nouvelle série Netflix. Dans cette série, l'héroïne, Sasha, une jeune fille de 17 ans, se met à voir des choses étranges et à en commettre d'autres, non moins tordues suite à une greffe du cœur. Cette descendante d'Indiens Navajo plonge alors dans la vie de Becky, sa donneuse, jolie blonde au karma plus chargé que ses cils de mascara, fille décédée de riches rentiers yogi, dont Uma Thurman, tour à tour terrifiante et déchirante, joue la mère, terrassée par la douleur.

Ce scénario tiré par les cheveux peut-il vraiment troubler la campagne pour le don d'organes? S'il est évident que l'on est dans la fiction, cette série vient s'ajouter à une filmographie longue comme l'aorte. Trafic d'organes, greffe de peau ("La piel que habito" de Pedro Almodovar), greffe des yeux ("Minority Report"), greffe de main, de visage...

La greffe de coeur inspire les scénaristes

C'est de loin la greffe cardiaque qui inspire le plus les réalisateurs qui la déclinent sur tous les tons. Le mélo dans "Droit au cœur", film dans lequel David Duchovny s'éprend sans le savoir de la femme qui a bénéficié du cœur de son épouse. Le drame social plus réaliste dans "Réparer les vivants", adaptation du roman de Maylis de Kerangal. La comédie aussi, avec "La Grande Maffia", avec Francis Blanche et Aldo Maccione ou quand un directeur de banque se retrouve avec le cœur d'un braqueur. Et bien sûr, le thriller avec notamment "Créance de sang" de Clint Eastwood, "Transplantation" de Michael Cuesta, où l'on retrouve cette idée que l'esprit du donneur prendrait possession de son nouvel hôte…

Le cœur, battant, déchiré, sur la main, de pierre ou d'artichaut, est lourd de symboles. Il permet aux réalisateurs d'évoquer à moindres frais d'imagination les questions d'identité, de troubles de la personnalité, de vengeance, de hasard qui n'existe pas, sur fond pseudo-scientifique de mémoire cellulaire. Cette théorie selon laquelle nos cellules garderaient la mémoire de notre vécu. La science réfute, mais le spectateur adhère, trouvant là de quoi nourrir ses angoisses, préjugés et autres fantasmes produits par ce qui reste la plus puissante des boîtes à fictions encore jamais greffée: son cerveau.

Anne-Laure Gannac/ld

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