"On va vous décortiquer. On est les Crevettes pailletées". C’est en ces termes que les huit membres de l’équipe de water-polo des "Crevettes pailletées" défient leurs adversaires avant chaque match. Le rituel tient plus de "Priscilla, folle du désert" que du haka des rugbymen néo-zélandais. C’est bien l’intention de cette comédie "feel-good" qui prend le parti de rire de la question de l’homophobie au sein de monde sportif, sujet auquel le magazine L’Equipe vient de consacrer sa Une.
Cliché, mais séduisant
Inspiré d’une authentique équipe de water-polo dont fait partie le coréalisateur Cédric Le Gallo, "Les crevettes pailletées" réjouit au plus haut point quand bien même son intrigue apparaît cousue de fil blanc. Un vice-champion de natation très mâle alpha, Mathias Le Goff, est contraint d’entraîner les joueurs gays après avoir traité un journaliste de "pédé". Cette expérience qui lui permet de se rapprocher de sa fille. Atteint d’une maladie grave, Jean, le leader de l’équipe, souhaite une ultime victoire avant de tirer sa révérence. Quant aux différents joueurs de water-polo, ils se distinguent de prime abord par leur caractère archétypal.
Aux côtés du jeune dévergondé très porté sur le sexe, on trouve ainsi le père de famille marié qui peine à concilier sa passion du sport et son foyer, un quinquagénaire aigri qui rumine ses idéaux marxistes vaincus, un Noir champion de la finance dont la couleur de peau ne deviendra jamais un sujet, un puceau introverti, un transsexuel spectaculaire. Si le panel ne manque pas de clichés dans sa manière de traiter ses personnages, avant tout pour évoquer des thèmes liés à l’homosexualité, il parvient à séduire en posant un regard complice et intime.
Une homosexualité hétérogène
Nudité montrée sans tabou ni provocation. Blagues de vestiaires assumées dans toute leur trivialité. Extravagance festive et séquence à la limite du grotesque, comme ce moment où l’on parle du visage de Ryan Gosling tatoué autour de l’anus de l’un des personnages. "Les Crevettes pailletées" ne fait pas dans la dentelle, et c’est tant mieux. La réussite du film tient plutôt à sa capacité à faire éclater le rire, ou jaillir les larmes par l’outrance, et à révéler l’énergie explosive qui anime cette équipe de water-polo, filmée par Cédric Le Gallo et Maxime Govare comme une somme d’individualités plutôt que comme une communauté.
Et on se régale devant l’image éclatée, diversifiée, hétérogène de l’homosexualité que dégagent les "Crevettes pailletées". Les personnages s’insultent, se méprisent dans un joyeux chaos où la question de la tolérance et de la solidarité ne va clairement pas de soi. Plus qu’un film sur les différences, un film sur les différends.
A ce titre, on retiendra ce match opposant les "Crevettes pailletées" à une équipe de water-polo exclusivement lesbienne. Les femmes traitant les hommes de "tapettes", les hommes relevant que "dans lesbienne, il y a hyène". Le coach de l’équipe, Mathias Le Goff, assiste à la scène à travers son regard hétérocentré. "On a le droit de dire des trucs comme ça?" interroge-t-il prudemment avant de se voir rétorquer un définitif: "Nous oui, mais toi non!". Tout est dit et pour peu qu’on lui pardonne sa réalisation approximative et ses clichés, "Les Crevettes pailletées" s’affirme comme une excellente surprise, tranchant sans peine avec le tout-venant de la comédie française.
Rafael Wolf/aq
Le film sera débattu dans Vertigo.