En 1999, l'American Film Institute lui décerne le titre de troisième plus grande actrice de films américains de tous les temps, derrière Katharine Hepburn et Bette Davis. Mais plus encore que ses deux aînées, Audrey Hepburn est restée une icône, une femme d'une modernité telle qu'aujourd'hui encore, on copie sa coupe de cheveux, on rêve de sa petite robe noire, on frime avec ses lunettes de soleil. Sa beauté en rupture avec les canons hollywoodiens, son jeu tout en mouvements chorégraphiés et son élégance continuent d'inspirer la jeune génération de comédiennes.
Quel est le secret de cette Britannique née à Ixelles, en Belgique, et parlant parfaitement le français? Il tient à un paradoxe: Audrey Hepbrun est restée célèbre grâce à sa passion de la discrétion, conjuguée à son goût de l'anonymat.
En cela, elle a trouvé en Suisse, et plus particulièrement à Tolochenaz (VD), le cadre idéal pour vivre comme elle l'entendait, affranchie des regards intrusifs, toujours prête à distribuer à ses voisins les légumes de son potager et heureuse d'aller au marché avec son panier en osier car "elle détestait les sacs en plastique" comme le rappelle le marchand de spiritueux où l'actrice achetait local.
Elle aimait le vin blanc, et avait une préférence pour celui de la Côte.
On y apprend aussi qu'elle appréciait le Gruyère surchoix et la fondue ainsi que la petite porte derrière l'épicerie du village où elle pouvait semer les paparazzis. Impliquée dans la vie de sa commune, elle avait souvent mis en garde le syndic de la dangerosité, pour les enfants sortant de l'école, d'un trottoir situé au bord d'une route au trafic très intense.
En 1965, sur le tarmac de l'aéroport de Genève où l'attendent l'acteur américain Yul Brinner et sa femme, Audrey Hepburn revient de Hollywood où le film de George Cukor, "My Fair Lady ", a triomphé. Et qu'est-ce qu'elle dit devant la caméra de l'émission "Carrefour"?:
J'ai assisté à la Cérémonie des Oscars pour donner un coup de main. C'était plein de joie pour tout le monde".
Audrey Hepburn parle de coup de main parce que si le film a raflé huit Oscars, elle, hélas doublée en dépit d'un chant très convaincant, ne l'a pas eu. Mais avec cette fine gentillesse que ses partenaires lui ont toujours reconnue, elle félicite Julie Andrews qui a créé "My Fair Lady" à Broadway mais que les producteurs ne voulaient pas pour le film. Cette même Julie Andrews qui obtient cette année-là l'Oscar pour "Mary Poppins"! A la fin de l'interview, elle confie venir à Genève pour visiter une maison dans les environs: ce sera "La Paisible" à Tolochenaz où, retirée du star-system, elle s'occupera de sa famille, avant de s'engager auprès des plus démunis comme ambassadrice de l'Unicef.
L'actrice dit "nous sommes chez nous" quand elle parle en 1960 du Bürgenstock, ce sommet des Alpes uranaises où elle passe ses vacances avec son mari Mel Ferrer. Mais elle dit "chez moi" quand elle évoque sa maison de Tolochenaz qui aura été le témoin d'événements marquants, comme son deuxième mariage, en robe rose et fichu sur la tête, avec le comte et psychanalyste italien Andrea Dotti en 1969, avec qui elle aura un fils. Ses deux témoins sont alors Doris Kleiner, mannequin et ex-épouse de Yul Brinner, ainsi que l'actrice Capucine, ses voisines helvétiques.
Une tombe à son image
Ses deux enfants ont grandi dans cette belle maison de campagne aux volets céladon. Et c'est là aussi, dans cette demeure près des vignes, que l'actrice, dont on a salué la noblesse de coeur, s'est éteinte le 21 janvier 1993 des suites d'un cancer du poumon. Audrey Hepburn est enterrée dans le cimetière de Tolochenaz, ce village qui l'a adoptée autant qu'elle l'a adopté. La place centrale porte son nom tandis que la Fondation Bolle, à Morges, lui a dédié une salle entière. Sa tombe, visitée chaque jour par des admirateurs respectueux, est à son image: sobre, modeste et élégante.
L’élégance est la seule beauté qui ne se fane jamais.
Marie-Claude Martin