En 2018, elles secouaient salutairement la Croisette: 82 femmes avec, à leur tête, Cate Blanchett et Agnès Varda, lançaient du haut des marches un appel historique pour dénoncer l'injustice toujours à l'oeuvre dans l'industrie du cinéma.
Pour autant, on ne peut pas dire que la charte du collectif 5050 réclamant plus d'égalité et de diversité dans les sélections des festivals, (et signée par Thierry Frémaux) a déjà atteint son but à Cannes.
Dans cette édition 2019, les hommes sont une fois de plus largement majoritaires dans la course aux récompenses. Sur vingt et un films en lice, seuls quatre pour la Palme d'or ont été réalisés par des femmes, soit même pas 20% de la sélection. La semaine de la critique fait meilleure figure, avec 26% de films réalisés par des femmes.
Atteindre la parité dans la sélection est un rêve
Interpellé sur cette question lors de la conférence de presse, le directeur du festival Thierry Frémaux a rétorqué que sa sélection n'était pas en porte-à-faux avec la charte: "Il ne faut pas mélanger la question de la parité avec la question de la sélection. Il n'a jamais été question - même si c'est un rêve - que la sélection soit paritaire."
Un club masculin très select
Plus qu'aucun autre festival, Cannes est une tribune pour des artistes confirmés. Et dans le circuit festivalier, les artistes confirmés sont essentiellement des hommes. En effet, les chiffres sont sans appel: sur les 72 compétitions pour la Palme d'or seulement 86 réalisatrices ont été sélectionnées, pour 1705 hommes. Soit un score de 4,8%.
A ce jour, Jane Campion est la seule femme à avoir remporté une Palme d'Or - et encore ex aequo !- en 1993. Il y a déjà un quart de siècle. Néanmoins, l'une des sept Palmes d'honneur distribuées à ce jour a couronné une femme, Agnès Varda, la "grand-mère de la Nouvelle vague" qui l'a reçue en 2015.
Des petites mesures
En apparence Cannes fait donc ici et là des gestes en faveur de l'égalité. Par exemple, l'initiative "Ballon Rouge", qui vise à rendre le festival plus accessible pour les mamans: un espace spécifique existe désormais pour allaiter et langer.
Il s'agit de tous petits pas, voire de purs effets d'annonce. "Je ne connais pas une seule mère active qui emmènerait son bébé au festival. La seule perspective de se frayer un chemin sur la Croisette avec une poussette est absurde" analyse la critique cinéma du Guardian Leslie Felperin dans un article consacré aux femmes à Cannes.
"Pas le prix Nobel de la paix"
Attribuer une nouvelle Palme d'honneur à une femme aurait été plus fort symboliquement, que ce genre de mesures jugées insuffisantes. Or celle-ci a été décernée à Alain Delon. Une nouvelle qui a aussitôt suscité une forte controverse.
>> A lire : L'acteur Alain Delon récompensé à Cannes avec une Palme d'or d'honneur
Critiqué pour ce choix, Thierry Frémaux a précisé qu'Alain Delon serait célébré pour sa carrière d'acteur. Un homme de cinéma qui, à l'instar de Woody Allen, a beaucoup compté dans l'histoire du festival.
"On ne lui remet quand même pas le prix Nobel de la paix" a-t-il conclu d'une pirouette. Pas sûr qu'à l'heure de #MeToo ce genre d'humour fasse mouche.
Auteur: Selim Petersen / SRF Kultur
Traduction: Manon Pulver
Cet article a été publié sur SRF Kultur.
Quelques chiffres
Cette année, 4 hommes et 4 femmes siègent dans le jury aux côtés du Président Alejandro Gonzalez Inarritu. Un engagement que Thierry Frémaux avait pris lors de la dernière édition.
Parmi les 21 films en compétition pour la Palme d'or, seuls 4 ont été réalisés par des femmes.
Le festival s'est ouvert avec le film de Jim Jarmusch "The Dead don't Die" et se clôt avec la projection de "Hors Normes" d'Olivier Nakache et Eric Toledano.