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Pedro Almodovar présente son nouveau film à Cannes, à lui la gloire?

Le réalisateur Pedro Almodovar sur le tapis rouge cannois en compagnie de ses acteurs Penelope Cruz et Antonio Banderas. [Keystone - EPA/Sébastien Nogier]
Pedro Almodovar a présenté à Cannes son nouvel opus "Douleur et Gloire" / Le Journal horaire / 1 min. / le 18 mai 2019
Considéré comme le plus grand des cinéastes espagnols, Pedro Almodovar a présenté vendredi en compétition à Cannes son nouvel opus, le très brillant "Douleur et Gloire", qui sort également en salle.

Ne pas se fier au titre: "Douleur et Gloire" n’a rien d’un feuilleton à l’eau de rose. Antonio Banderas, l'acteur fétiche de Pedro Almodovar depuis les années 80, y incarne un cinéaste fatigué, malade, déprimé, devenu héroïnomane sur le tard.

On le somme de présenter un vieux film à lui à la Cinémathèque de Madrid. Une torture: le tournage a été terrible, il est resté brouillé avec son acteur et a mis, comme il le dit, trente-deux ans à se réconcilier avec le film.

L'enfance du cinéaste

"Douleur et Gloire", dès ses premiers plans, saisit par la beauté de ses images et la force de son récit, lointainement autobiographique, qui explore l’enfance du cinéaste (sa mère est campée par Penelope Cruz), ses premiers désirs – désirs de cinéma ou désirs amoureux - avec une maîtrise et une virtuosité qui forcent l’admiration.

>> Le grand format consacré à Pedro Almodovar : Almodóvar, le transformiste

Un film si impressionnant qu’il en serait presque trop calibré pour Cannes. Car il y a un côté "bienvenue au musée Almodovar" dans "Douleur et Gloire". Ne lui en tenons pas rigueur. Son personnage de cinéaste est entouré de livres et d’œuvres d’art, il vit dans un monde figé. Almodovar, qui est aujourd'hui âgé de 70 ans, s’amuse donc du fait d’être devenu lui-même une institution, un morceau d’histoire du cinéma guetté par la momification.

En route pour la Palme d'or?

A chaque plan sa trouvaille, sa surprise, qu’elle soit graphique, musicale, scénaristique ou émotionnelle. Comme toujours chez Almodovar, quelques fantômes du passé ressurgissent - un vieil amant par exemple, séquence bouleversante de retrouvailles hors du temps. On croise décidément beaucoup de morts vivants dans les films cannois cette année, mais ceux d’Almodovar sont d’une sublime beauté.

Lauréat de deux Oscars, Prix de la mise en scène à Cannes pour "Tout sur ma mère" en 1999 (entre autres innombrables récompenses), on dit que Pedro Almodovar souhaite ardemment une Palme d’or depuis vingt ans. En 2016, le bouleversant "Julieta" était passé sous les radars d’un jury distrait. En 2019, qui sait… Réponse le 25 mai.

>> Revoir le sujet du 19h30 consacré à Pedro Almodovar :

Almodovar concoure pour la 6ème fois en compétition à Cannes avec "Douleur et Gloire".
Almodovar concoure pour la 6ème fois en compétition à Cannes avec "Douleur et Gloire". / 19h30 / 2 min. / le 17 mai 2019

Raphaële Bouchet/boi

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A propos d'Antonio Banderas

Très loin de son jeu habituel, Antonio Banderas incarne une sorte de double de Pedro Almodovar dans "Douleur et Gloire". Comment le cinéaste a-t-il dirigé son acteur fétiche? "Avant qu'on commence, je lui ai parlé sérieusement. Je voulais quelque chose de très différent de ce que nous avions fait dans le passé, dans les années 80, par exemple. Il a compris ce que je voulais, dès qu'il a lu le scénario. Antonio s'est totalement imprégné de moi. Au tournage, il faisait des gestes que je ne lui connaissais pas, et ces gestes étaient parfaits pour le personnage. Je pensais devoir le pousser dans la direction d'un jeu plus subtile, sans pathos et sans bravoure, sans cette intensité qui est sa marque de fabrique, et il l'a fait de lui-même".

A propos de la mélancolie de ses films récents

Au fil des décennies, les films d'Almodovar sont devenus plus sombres, plus mélancoliques, plus austères. A l'image du monde? Ou de sa propre évolution?

"Après la chute de la dictature, l'Espagne a connu une explosion de liberté. C'était magnifique d'être jeune au tout début des années 80. Mes premiers longs métrages sont le reflets de cette période baroque. L'Espagne a beaucoup changé depuis, le monde aussi, et en pire, mais je ne veux pas tirer de parallèle entre mes films et l'évolution de la démocratie. Je préfère mesurer cela à l'aune de ma vie qui, elle aussi, a beaucoup changé. Aujourd'hui, mes films sont plus tristes que ceux de ma jeunesse. Cela est dû à la biologie, au passage du temps. Mais je suis heureux qu'ils aient évolué depuis les années 80, puis 90, puis 2000. A partir de "Julieta", j'ai trouvé une nouvelle forme de narration. Je continue d'écrire mes histoires avec de la couleur mais mes personnages sont plus mélancoliques, solitaires. C'est un mouvement naturel, et je n'ai pas envie de le contrarier".