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Les tops et flops des adaptations de livres au cinéma

Leonardo di Caprio dans Gatsby le magnifique (2013) de Baz Luhrmann [AFP - Warner Bros. / Village Roadshow / Collection ChristopheL]
Leonardo di Caprio dans Gatsby le magnifique (2013) de Baz Luhrmann - [AFP - Warner Bros. / Village Roadshow / Collection ChristopheL]
Cela fait plus d'un siècle que l'on tourne des adaptations et personne n'a encore trouvé la recette miracle pour transposer la littérature en grands films. Tops et flops des adaptations cinématographiques: la preuve par cinq.

Le film "After", adapté du roman éponyme de l'Américaine Anna Todd, pensé au départ comme une fiction et publié sur le réseau social littéraire Wattpad – a rencontré un immense succès dans les salles de Suisse italienne et partout dans le monde. Et pourtant, la critique n'a pas été tendre, rappelant que la mauvaise littérature ne peut engendrer que du mauvais cinéma. Terriblement réducteur, n'est-ce pas?

"After" est un navet tiré d'un ramassis d'âneries (même si d'aucuns aiment lire de mauvais livres et voir de mauvais films) mais le lien entre littérature et production hollywoodienne est bien plus complexe.

De l'art de l'adaptation

Cela fait plus d'un siècle que l'on tourne des adaptations et personne, pas même à la Mecque du cinéma mondial, n'a encore trouvé la recette miracle pour transposer la littérature en grands films. A chaque fois c'est la loterie: de merveilleux ouvrages peuvent donner lieu à des séquences insoutenables – même pour les spectateurs les plus disposés – et contre toute attente, des chefs-d'œuvre peuvent être tirés de mauvais romans, grâce à la magie du grand écran.

Comme toujours, quand il est question d'histoires et d'art, aucun avis n'est absolu, sauf bien sûr celui des auteurs qui n'ont pas les réalisateurs hollywoodiens dans leurs bons papiers – quand bien même ces derniers approvisionnent leurs comptes en banque.

Ken Kesey par exemple, l'auteur de "Vol au-dessus d'un nid de coucou", n'a jamais voulu voir l'adaptation de Milos Forman (1975) car le réalisateur avait refusé de raconter l'histoire du point de vue du "chef" Bromden, allant jusqu'à zapper la nuit où il s'est retrouvé face à son petit écran et, par accident, à Jack Nicholson.Au fond, sa stratégie du 'loin des yeux, loin du cœur n'est peut-être pas si stupide que ça.

Hollywood je t'aime, moi non plus

En effet, nombreux sont les grands écrivains à avoir passé des nuits blanches après avoir vu l'adaptation de leurs œuvres au cinéma, de Truman Capote – qui voulait Marilyn Monroe pour jouer dans son "Breakfast at Tiffany's" (1961) et pour qui comparer le livre au film était comme comparer "Galina Ulanova avec les Rockettes" – à Michael Ende – qui mena une longue et coûteuse bataille juridique pour contraindre Wolfgang Petersen à changer certaines scènes de "L'histoire sans fin" (1984), en vain.

Il arrive aussi que des écrivains soient marqués au fer rouge par leur première expérience hollywoodienne et jurent qu'on ne les y reprendra plus, du moins personnellement, à l'instar de Roald Dahl qui, après avoir travaillé sur "Charlie et la chocolaterie" (1971), fut si déçu, qu'aucune de ses histoire ne revint sur grand écran avant sa mort.

Mais peut-être qu'il aurait au moins aimé l'adaptation de son "Fantastique Maître Renard" (2009) par Wes Anderson, pour l'agitation et la mélancolie qui se cachent entre les lignes.

Quelques règles

Peut-être que les romanciers ne devraient jamais écrire de scénarios, et qu'ils devraient accepter le fait que les règles d'Hollywood ne sont pas faites pour la littérature (que faire d'un roman dépourvu de 'fin hollywoodienne', par exemple?).

Peut-être que l'égo des scénaristes est le seul facteur de succès des adaptations. Peut-être qu'il faut considérer les adaptations cinématographiques comme le point culminant de la parabole des romans.

Et peut-être que pour qu'ils puissent survivre à Hollywood, les écrivains devraient suivre le conseil de Kurt Vonnegut: "prendre l'argent et s'enfuir en courant".

Le livre était-il mieux?

Quoi qu'il en soit, la question de l'adaptation des (grands) romans est un serpent de mer. L'essentiel est de ne pas affirmer dès le départ que "le livre était mieux". C'est totalement stérile et statistiquement faux.

Pour le démontrer, voici 5 tops et flops d'adaptations représentant les grandes époques hollywoodiennes. Les œuvres dont ils sont tirés sont parfois excellentes, parfois médiocres. Parfois même sans lien direct. Pourtant, les grands studios continuent de miser sur ce genre: "Les quatre filles du Dr March" avec Meryl Streep et "L'appel de la forêt" devraient sortir dans les salles cette année encore.

Top 5 des meilleures adaptations

1. "Les 39 marches" d'Alfred Hitchcock (1935)

Image du film "les 39 marches" d'Alfred Hitchcock. [Collection ChristopheL/AFP - Gaumont British Picture Corporat]
Image du film "les 39 marches" d'Alfred Hitchcock. [Collection ChristopheL/AFP - Gaumont British Picture Corporat]

Techniquement, Hitchcock n'était pas un réalisateur hollywoodien puisqu'il était anglais et n'a rejoint la Mecque du cinéma que sur le tard. Mais cette digression vaut la peine: cette adaptation est un chef-d'œuvre absolu du cinéma d'espionnage, empreint d'un irrésistible humour. "Les 39 marches" (1915) de John Buchan, le roman d'origine, ont donné vie à un archétype qui sera incarné quarante ans plus tard par James Bond.

2. Le grand sommeil (1946) de Howard Hawks

Humphrey Bogart et Lauren Bacall dans "Le grand sommeil" (1946) de Howard Hawks. [COLLECTION CHRISTOPHEL/AFP - WARNER BROS]
Humphrey Bogart et Lauren Bacall dans "Le grand sommeil" (1946) de Howard Hawks. [COLLECTION CHRISTOPHEL/AFP - WARNER BROS]

Le roman original de Raymond Chandler (1939) est célèbre pour son intrigue labyrinthique, quasi inadaptable à l'écran en raison de sa complexité. Pourtant Howard Hawks, avec Lauren Bacall et Humphrey Bogart en têtes d'affiche, est parvenu à transcender l'œuvre par des scènes magistrales qui ont marqué les esprits. L'un des films les plus sexy de l'histoire du cinéma.

3. Apocalypse now (1979) de Francis Ford Coppola

Image du film "Apocalypse now" (1979) de Francis Ford Coppola. [Photo12/AFP - Archives du 7eme Art]
Image du film "Apocalypse now" (1979) de Francis Ford Coppola. [Photo12/AFP - Archives du 7eme Art]

On dit que Joseph Conrad a inspiré une centaine de films, mais l'adaptation de son célèbre "Au cœur des ténèbres", scénarisé par John Milius, est sans doute l'une des plus libres et des plus folles. Le tournage a demandé plus d'un an et demi de travail aux Philippines, dans des conditions apocalyptiques pour le réalisateur – alors en dépression et pleine crise conjugale – comme pour l'un des principaux acteurs, Martin Sheen – frappé par une crise cardiaque.

4. Scarface (1983) de Brian De Palma

Al Pacino dans "Scarface" (1983) de Brian De Palma. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]
Al Pacino dans "Scarface" (1983) de Brian De Palma. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]

Tiré du roman éponyme (1930) de l'Américain Maurice Coons (plus connu sous son pseudonyme Armitage Trail), mis en scène par Oliver Stone sur une musique de Giorgio Moroder, Scarface a été érigé au rang de film culte, tenant en haleine le spectateur du début à la fin. L'œuvre originale est rééditée aujourd'hui encore, avec Al Pacino en couverture...

5. No country for old men (2007) de Joel et Ethan Coen

Josh Brolin dans "No country for old men" (2007) de Joel et Ethan Coen. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]
Josh Brolin dans "No country for old men" (2007) de Joel et Ethan Coen. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]

Première adaptation cinématographique des frères Coen, le film, ponctué de touches personnelles, respecte scrupuleusement l'histoire originale de Cormac McCarthy (2005). Pas étonnant qu'il ait remporté quatre Oscar (dont celui du meilleur scénario adapté). Ce qui l'est en revanche, c'est que le jury de Cannes, présidé alors par Stephen Frears, l'ait véritablement snobé.

Top 5 des flops

1. Candy (1968) de Christian Marquand

Dans cette coproduction franco-italo-américaine, seuls les noms des acteurs – Richard Burton, Ringo Starr, Marlon Brando, Charles Aznavour pour ne citer qu'eux – et du chorégraphe – Don Lurio – valent la peine d'être mentionnés. Tirée du roman "Candy" du génialissime Terry Southern (co-auteur de Docteur Folamour et Easy Rider, notamment), cette adaptation n'a ni queue ni tête...

2. Myra Breckinridge (1970) de Michael Sarne

Cet autre bide, et non des moindres, est devenu culte malgré lui. Peut-être vaudrait-il la peine de s'y réintéresser pour son audace et sa folie (et pour la prestation toute contemporaine de Mae West et Tom Selleck)... On s'étonne encore que la 20th Century Fox ait risqué d'adapter le roman à scandale "Myra Breckinridge" (1968) de Gore Vidal, premier du genre à être narré par un personnage transsexuel. Si la version doublée en italien existe, bien malin qui saura la trouver au format home video.

3. Le bûcher des vanités (1990)...

...ou l'autre visage de Brian De Palma. Présent dans tous les classements des pires adaptations de l'histoire du cinéma, ce film propose de purs moment de bonheur comme cette séquence d'ouverture avec Bruce Willis, qui vaut à elle seule le prix du billet. Mais soyons francs: les début de Tom Wolfe au cinéma auraient mérité meilleur écrin. 

4. Les voyages de Gulliver (2010) de Rob Letterman

Un cas d'école: mais comment Hollywood est-elle parvenue à massacrer pareillement un si grand classique de la littérature, "Les voyages de Gulliver" (1726) de Jonathan Swift? Entre références à la culture pop d'une banalité crasse et trucages 3D, c'est l'exemple même d'une escroquerie cinématographique à l'américaine. Remboursez!

5. Gatsby le magnifique (2013) de Baz Luhrmann

Bien que le roman d'origine (1925) soit l'un des plus grands de la littérature américaine du XX siècle, le réalisateur chargé de son adaptation n'a pas su lire entre les lignes. Rien, pas même les chansons de Jay-Z et les costumes de (Miuccia) Prada, ne vient relever le niveau de ce film glorieusement excessif et mortellement ennuyeux.

Michele Serra (RSI)/Adaptation web: Miruna Coca-Cozma

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