A Cannes, Jean-Pierre et Luc Dardenne ont déjà obtenu deux Palmes d’or et leurs films ont été primés de nombreuses fois. Les célèbres Belges sont les chantres du réalisme social filmé caméra à l’épaule. "Le Jeune Ahmed" ne déroge pas à la règle, leur cinéma reste reconnaissable en un clin d’œil, mais il y a du changement.
Les deux frères reviennent aujourd'hui à une veine plus documentaire, à un film sans actrices ni acteurs connus, à un personnage principal d’adolescent incarné par un acteur fabuleux mais débutant, Idir Ben Addi. Et c’est même la première fois qu’ils se coltinent un sujet très médiatisé, la radicalisation, dont le cinéma s’est beaucoup emparé ces derniers temps.
Bande-annonce LE JEUNE AHMED from xenixfilm on Vimeo.
L'énergie de la jeunesse
C’est un ado à lunettes qui voit le monde selon un seul prisme, celui du pur et de l’impur, il est enfermé dans son idéologie et va commettre une agression au nom d’Allah puis se retrouver dans un centre de déradicalisation. Les Dardenne le filment dans l’énergie de sa jeunesse, de sa quête d’absolu, sans jamais expliquer psychologiquement ou sociologiquement ses actes.
Très beau film, Dardenne parfois presque mal à l’aise avec la thématique qu’ils ont choisie, avec le destin qu’ils réservent au personnage. Ce n’est pas un film dont on sort ébloui, mais cet état hésitant lui correspond bien. Un personnage engoncé dans son propre corps, un peu gros, un peu pataud, comme les Dardenne avec leur sujet. Ce que j’aime énormément, c’est que le personnage reste totalement opaque. On ne sait jamais s’il dit la vérité.
Des films ancrés dans la réalité sociale
Le tournant est intéressant pour les Dardenne. Les changements sont flagrants, même si on reconnaît bien les Dardenne et leur caméra à l’épaule. Un jeune garçon comme personnage principal, ça n’était plus arrivé depuis "Le Gamin au vélo". Aucune actrice connue, un nouveau chef opérateur, et aussi un "sujet".
Ça fait beaucoup de changements tout de même et je leur ai demandé si cela était dû au fait qu’ils avaient eu le sentiment d’être arrivés au bout de quelque chose avec "La fille inconnue".
La quête d'absolu
"Le jeune Ahmed" est un film plus politique que social, qui ne fait pas de son personnage une victime. Jamais, il ne verse dans la sociologie ou l’explication psychologique. S'ils semblent parfois empruntés face à la thématique, les Dardenne parviennent à raconter avec souffle, à la fois la quête d’absolu et la fin de l’enfance de ce garçon de 13 ans. Dans le même temps, le personnage reste d’une opacité totale de bout en bout. C’est très beau. Mais pas forcément suffisant pour obtenir une troisième Palme.
Raphaële Bouchet/mh