Le film est long, très long. Et encore, Kechiche l’a amputé de trente minutes juste avant la projection cannoise. Un film montré d’ailleurs sans générique final, comme "La Vie d’Adèle" en 2013, tant son auteur, réputé ultra perfectionniste, devait être à la bourre.
L'intrigue d'un court-métrage
C’est long, donc. Mais l’intrigue tiendrait dans un court métrage. Car cet épisode 2, comme son titre l’indique, est une digression, un interlude immersif dans la vie d’Amin. Nous sommes un jour de 1994. Le jeune Amin, devenu photographe, revient dans sa ville de Sète après deux ans d’absence et y retrouve ses amis.
Ils sont jeunes, beaux et bronzés. Sur le sable, les rires fusent, la chair déborde. Entre fromages de chèvre et petits secrets, Ophélie, la meilleure amie, beau personnage central du film, explique qu’elle travaille à la ferme de ses parents: "On a des poules, des oies, des cochons… et des cochonnes." Tout le monde s’esclaffe. Et tout est dit.
A hauteur de fesses
Pendant trois heures et demie, Kechiche filme à hauteur de fesses des cochonnes qui se trémoussent et prennent des poses lascives, à la plage d’abord, puis lors d’une interminable scène de discothèque. Epuisée, Hafzia Herzi (l’actrice qu’il a révélée dans "La Graine et le mulet") s’affale sur un canapé et baille, elle dit: "Je n’en peux plus." Nous non plus.
Danse, sexe et épuisement. "Mektoub, My Love, intermezzo" est le film le plus radical et le moins narratif de son auteur. Mais le constat est amer, les plans sont beaux, mais Kechiche n’a plus grand-chose à dire, sinon qu’il assume son regard de mâle qui se rince l’œil.
"Regarde-moi!"
Dès sa première réplique – "Regarde-moi!" - le film annonce sa posture, il s’agit de regarder, regarder, regarder encore, jusqu’à plus soif. Et "Mektoub…" d’atteindre son climax dans une scène de cunnilingus explicite de 14 minutes durant laquelle l’actrice, comme ses consœurs de "La Vie d’Adèle", se prend aussi de bonnes fessées.
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Kechiche voudrait nous emporter dans sa transe, mais son délire reste solitaire, et à l’ère post-Weinstein, son film ressemble davantage à une vaine provocation. On se gardera de tout jugement moral sur ses fantasmes d’homme. On se gardera aussi de remettre en question sa liberté d’auteur.
On n’adhère plus, c’est tout. Adieu, veau, vache, Kechiche.
Raphaële Bouchet/mcc