Modifié

"Jinn", la première série tournée en Jordanie suscite un tollé

"Jinn", la première production arabe sur Netflix choque en Jordanie. [Keystone/Netflix/AP - DR]
Une série Netflix sur des adolescents fortunés soulève de fortes réactions en Jordanie / Tout un monde / 5 min. / le 18 juillet 2019
La polémique suscitée par "Jinn", une production Netflix qui raconte l'histoire d'adolescents aisés, rappelle que même si la Jordanie est un pays très ouvert sur l’Occident, la société reste très conservatrice.

"Jinn" - "génie" en arabe - raconte l’histoire d’un groupe d’adolescents aisés qui part en voyage scolaire dans la cité historique de Pétra, dans le sud du pays. Ils y rencontrent des forces surnaturelles, les "Jinn". Cette série produite par Netflix est la première a avoir été tournée en Jordanie.

Dans le premier épisode, Mira, l’héroïne, et Fahed, son petit copain, s’embrassent à pleine bouche la nuit dans les ruines de Pétra. Un autre personnage assis autour d’un feu de camp dit qu’il est venu pour "picoler", pendant que ses copains, eux, se roulent des joints.

Une scène de baisers qui choque

Disponible depuis le 13 juin, le premier épisode de cette série et en particulier cette scène de baisers, a fait déferler des torrents de critiques en Jordanie. Interrogé par un journaliste de la RTS, Bassam, un étudiant de 23 ans raconte: "J'ai été choqué quand j’ai vu cela pour la première fois. De les voir se comporter de cette façon dans un lieu si sacré."

Et les réactions à ces baisers ont été si fortes que le procureur d’Amman a demandé à l’autorité chargée de lutter contre la criminalité en ligne d’ouvrir une enquête.

Ne pas croire que le pays est parfait

Pour Nidal Mansour, le président du Centre pour la défense de la liberté des journalistes, il n’y a rien d’illégal dans cette production Netflix. Rien, non plus, susceptible d’insulter le pays: "La Jordanie ne se limite pas à une série. Peu importe si nous aimons ce qui se passe dans cette série ou pas, en tout cas, elle ne peut pas nuire à l’image de notre pays. (...) La Jordanie est un pays divers qui accepte les différences. Les films peuvent parfois présenter de mauvais comportements et quelque chose de négatif. C’est la règle dans les productions artistiques et dans le cinéma. Le cinéma ne doit pas présenter des stéréotypes et faire croire que le pays est parfait."

"C'est hypocrite de se scandaliser"

Perfection, modèle ou simple miroir de la société, il s’agit là du débat sur la mission de l’art. Un débat qui a gagné la sphère religieuse. Le grand mufti d’Amman, un dignitaire musulman, a parlé de "Jinn" comme d’une "dégradation morale".

Mgr William Shomali, le vicaire apostolique d’Amman, un prélat catholique donc, répond que si l'on parle de dégradation morale pour ce film, quel adjectif reste-t-il pour les films érotiques et pornographiques et pour le reste?

"Ce film dit la vérité sans beaucoup de scandales. Je pense que c'est hypocrite de se scandaliser, car il y a pire que ça. J'encourage les jeunes à regarder cette série afin de pouvoir en discuter et de pouvoir se demander ce qui est bon ou mauvais dans le comportement des personnages".

Une société plus traditionaliste qu'avant

Pour le vicaire, l’opposition à la série "Jinn" vient rappeler que la Jordanie est de plus en plus conservatrice sur les questions de société. "Les vêtements des femmes sont plus pudiques aujourd'hui qu'il y a 50 ans. La Jordanie va vers une société plus traditionaliste".

Une tendance bien éloignée de l’image que donne la famille royale de la Jordanie. Le Roi Abdallah et la Reine Rania forment un couple, en apparence, occidentalisé. Ils s’expriment régulièrement dans un anglais parfait dans les médias et la reine n’est presque jamais voilée en public.

Donner une image fidèle de la Jordanie

La première saison de "Jinn", composé de cinq épisodes, a une fin très ouverte qui pourrait facilement se prêter à une suite. Si c'était le cas, pour l'étudiant Bassam: "le gouvernement devrait examiner le contenu [de la production] pour s’assurer qu’elle donne une bonne image et une image fidèle de la Jordanie".  Et lorsque le journaliste de la RTS lui demande s'il devrait y avoir de la censure, sa réponse est très claire: "Oui. Exactement".

Sujet radio: Jérôme Boruszewski

Adaptation web: aq

Publié Modifié