Pour la deuxième fois de son histoire, le Festival de Locarno est dirigé par une femme, Lili Hinstin (la première était l'Italienne Irene Bignardi de 2001 à 2005), diplômée en langues, littérature et civilisation étrangères et ex-directrice d'Entrevues Belfort - Festival International du film depuis 2013.
Lili Hinstin explique dans La Matinale l'impact de la charte pour la parité signée l'année passée par le Festival de Locarno: ""Il y a 35% de réalisatrices avec un long-métrage à Locarno cette année".
>> A lire, l'interview de la nouvelle directrice du festival de Locarno : "Locarno a sans doute la programmation la plus radicale des grands festivals du film"
Sous l'impulsion artistique de cette Parisienne de 42 ans, le plus petit des grands festivals entend conquérir le jeune public avec des séances de minuit sur la Piazza Grande plus audacieuses ("Crazy Midnight") et célébrer le cinéma noir du XXe siècle avec sa rétrospective "Black Light".
Il s'agit d'un panorama de 47 films qui va des race movies des années 1920-1930 aux films les plus marquants de la Blaxploitation des années 1970, en passant par l'emblématique "Do the Right Thing" de Spike Lee, dans une version restaurée.
Locarno a toujours eu une programmation extrêmement radicale. Notre rétrospective, qui redessine une histoire parallèle du cinéma, va dans ce sens. Et cette radicalité est aussi très proche de l'esprit de la jeunesse.
"Black Light", imaginée par le curateur Greg de Cuir, spécialiste du cinéma noir international, met surtout en lumière des oeuvres qui avaient été boudées à l'époque par la critique. Une rupture de dogmes qui sied à sa nouvelle directrice.
La Suisse à l'honneur
Pas moins de 21 coproductions de la SSR seront présentées dans différentes catégories, dont une coproduction avec la RTS, "O fim do Mundo" de Basil Da Cunha qui sera projeté dans le cadre de la "compétition internationale".
Dans la section "Cinéastes du présent", la réalisatrice helvético-péruvienne Klaudia Reynicke thématise la soif de liberté d'une jeune femme dans "Love Me Tender" et Maya Kosa et Sérgio da Costa nous emmènent sur "L'Ile aux Oiseaux" dans les pas d'Antonin, un jeune homme qui redécouvre le monde dans un centre de soins pour les oiseaux sauvages.
Avec "Bagdad in my Shadow" le réalisateur Samir raconte l'histoire d'Irakiens émigrés en Angleterre. Et dans la catégorie "Semaine de la critique", David Vogel explore la thématique de la relation des Suisses avec l'Islam dans "Shallom Allah". Lili Hinstin parle d'un "renouveau générationnel".
Une comédie helvétique sur la Piazza
Un seul long-métrage suisse sera projeté sur la Piazza Grande, "Die fruchtbaren Jahre sind vorbei" de Natascha Beller. Cette comédie absurde a probablement séduit la nouvelle directrice du festival, elle qui dit adorer "les films qui font rire".
De son côté, la Cinémathèque suisse à Lausanne présente au Festival de Locarno trois films suisses restaurés: "Charles mort ou vif" d'Alain Tanner, "Le Grand Soir" de Francis Reusser et "Grauzone" de Fredi Murer, cinéaste qui se verra par ailleurs décerner un prix pour l'ensemble de sa carrière.
C'est encore à deux autres grandes pointures helvétiques que le festival rendra hommage: Bruno Ganz, décédé en février dernier, et Freddy Buache, le co-fondateur de la Cinémathèque suisse disparu en mai. Cette 72e édition lui est dédiée.
Le Leopard Club Award est décerné à Hilary Swank, grande invitée de la soirée du vendredi 9 août sur la Piazza Grande. L'hommage sera accompagné de la projection de "Boys don't Cry" de Kimberly Peirce (1999) et de "Million Dollar Baby"de Clint Eastwood (2004), les deux films qui lui ont valu l’Oscar de la meilleure actrice. Le public du Festival aura également l'occasion de rencontrer l'actrice le samedi 10 août.
Autre acteur célébré, le Coréen Song Kang-ho("Parasite") qui recevra le Prix d'excellence du festival. C'est la première fois que Locarno décerne ce prix à un asiatique, c'est dire si la nouvelle directrice a compris l'importance du cinéma coréen désormais.
Le festival de Locarno a une vocation de tête chercheuse: dénicher les talents de demain ou repérer de nouveaux gestes cinématographiques, qu'il s'agisse du court métrage d'une jeune réalisatrice ou d'un auteur affirmé qui se réinvente à chaque film, en cherchant de nouvelles formes.
Temps forts
Parmi les temps forts de cette 72e édition, on peut encore citer la projection en première suisse du dernier film de Tarentino, "Once upon a Time... in Hollywood", avec Brad Pitt et Leonardo DiCaprio, projeté sur le bel écran de la Piazza Grande. Tout comme le film d'ouverture, "Magari", de la réalisatrice italienne Ginevra Elkann, petite-fille de Gianni Agnelli, le patron de Fiat.
Très attendu également "Notre Dame", une comédie du remariage de la française Valérie Donzelli qui met en scène une architecte qui doit refaire le parvis de Notre Dame de Paris alors qu'elle est empêtrée dans une histoire d'amour.
Le film, qui comprend certaines scènes à l'intérieur de la cathédrale, a été tourné avant l'incendie survenu le 15 avril dernier.
Marie-Claude Martin