Depuis sa création il y a 15 ans, le Festival international de cinéma pauvre accueille un nombre croissant de réalisateurs indépendants à Gibara. Mais l'Institut cubain du cinéma a jusqu'ici gardé la mainmise sur la production, la distribution et la promotion de chaque film.
Il y a trois ans, les cinéastes cubains se sont réunis pour discuter d'une réforme de l'industrie du cinéma dans l'île et demander une nouvelle législation. Ils ont obtenu non pas une loi, mais un décret qui tend à légaliser le cinéma indépendant. Celui-ci entrera en vigueur en septembre.
Si les cinéastes cubains se méfient des conditions de sélection de ces films, ils saluent la place reservée à la culture, toujours très importante à Cuba.
Une bonne nouvelle pour Benicio del Toro
Invité d'honneur du festival cette année, l'acteur portoricain Benicio del Toro entretient une relation singulière avec les Cubains depuis qu'il a interprété le Che en 2008. Il accueille cette nouvelle du décret avec un grand sourire, évoquant une "très bonne nouvelle" au micro de l'émission Tout un Monde.
Selon le comédien, "le ciné indépendant a sûrement plus d'opportunités au Mexique. Il y a un boom latino-américain, en Argentine et en Uruguay aussi. Mais à Cuba, il y a une véritable culture du cinéma. Partant de là, donner la possibilité aux jeunes cinéastes d'exprimer un point de vue, de façon indépendante, c'est comme offrir du vent à un oiseau."
Les cinéastes cubains méfiants
De leur côté, les cinéastes cubains ne sont pas tous aussi confiants que la star d’Hollywood. Réalisateur du film "Insoumises", première production helvético-cubaine, Fernando Pérez ne voit pas d'un bon oeil le controversé comité de sélection des films, composé de membres du gouvernement.
"Ils ont parfois du mal à comprendre l'amplitude et la diversité de certaines oeuvres", regrette Fernando Perez, avant d'ajouter: "Ils voudraient analyser notre travail sous un angle idéologique et le réduire à une seule lecture. Cela ne va pas changer du jour au lendemain, c'est un processus de discussion et nous l’avons entamé." Le cinéaste réclame un espace pour ces discussions, pour que si l’Etat s'oppose à un film, il ne l'interdise pas directement, mais en explique la raison.
Je ne veux pas baisser les bras et me mettre à penser que ce décret est un nouvel outil de contrôle. Soyons optimistes, si ce décret existe, c’est grâce à la démarche que nous avons entreprise
Le film "Santa y Andrés" de Carlos Lechuga est un exemple des difficultés rencontrées par le cinéma cubain indépendant. Il a été censuré par les autorités, mais s'est tout de même propagé dans le pays grâce à une simple clef USB. Sa productrice Claudia Calviño reste toutefois confiante: "Si nous avons réussi à créer un mouvement qui a influencé une prise de décision du pays, alors nous pourrons peut-être recommencer."
Lenteur bureaucratique
Avec ce nouveau décret, les cinéastes indépendants vont désormais pouvoir obtenir des permis de tournage et d'importation d’équipement audiovisuel ou même faire venir des acteurs étrangers.
Mais selon le réalisateur indépendant Eduardo del Llano, il faudrait surtout en finir avec la lenteur bureaucratique: "Si pour filmer en bas de chez moi, je dois attendre plus de six mois qu’ils me donnent un permis de tournage, franchement je préfère prendre le risque de tourner sans autorisation."
Pour clôturer le festival, l'acteur Jorge Perugorria, connu pour son rôle dans le film cubain "Fraise et chocolat" a demandé deux choses: la levée du blocus des Etats-Unis et celle d'un autre blocus, intérieur à Cuba. La foule s’est levée pour acclamer ces paroles.
Romane Frachon/boi