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La Mostra de Venise joue son "Joker" et fait de l'ombre à Cannes

Joaquin Phoenix incarne Joker, l'ennemi de Batman. [Copyright 2019 Warner Bros. Entertainment Inc. - TM & © DC Comics / Niko Tavernise]
Le festival de Venise vole la vedette à Cannes / Vertigo / 6 min. / le 26 août 2019
La Mostra de Venise se tiendra du 28 août au 7 septembre. L'affiche est alléchante et prestigieuse mais cette 76e édition passe complètement à côté de la parité. Meryl Streep, Robert de Niro, Catherine Deneuve, Brad Pitt et Mick Jagger s'y donnent rendez-vous.

Des stars internationales, des réalisateurs de renom, des films très attendus, un Lion d'or à Pedro Almodovar pour l'ensemble de sa carrière et, comme l'année précédente, une polémique sur le faible nombre de réalisatrices en compétition – deux seulement sur vingt-et-un – voilà le sommaire de la 76e édition du festival international du film de Venise qui débutera mercredi 28 août.

Bienvenue à Netflix

Depuis cinq ou six ans, la Mostra a retrouvé de son lustre, notamment par rapport à Cannes qui a perdu la confiance des Américains, fatigués d'y être souvent éreintés. Autre handicap, conformément à une loi française, Cannes ne peut pas sélectionner de films Netflix. Une opportunité pour Venise qui n'est pas tenue aux mêmes obligations. "The Laundromat", de Steven Soderbergh, thriller inspiré des Panama Papers est un film Netflix  – qui le diffusera en octobre. Ce thriller au casting éblouissant (Meryl Streep, Gary Oldman, Antonio Banderas) concourt pour le Lion d'or.

Prémices des Oscars

Et la Mostra a un autre avantage. Agendé en septembre, c'est-à-dire après les autres festivals, Venise peut accueillir le meilleur des productions américaines de fin d'année. Le Lido sert ainsi de rampe de lancement pour les Oscars en projetant en avant-première les films les plus attendus.

La genèse de Joker, l'ennemi de Gotham City

A commencer par "Joker" de Todd Philipps, qui raconte comment un comédien de stand-up raté, après avoir été agressé déguisé en clown, devient un dangereux psychopathe et le pire ennemi de Batman. Joachim Phoenix est troublant de vérité dans ce rôle qui, selon ses propres aveux, est un des plus importants de sa carrière.

Pour obtenir le sourire signature de son personnage, l'acteur, déjà primé à Venise pour "The Master" en 2013, dit avoir longuement observé des personnes atteintes de désordres neurologiques. Il confère à son personnage une dimension à la fois tragique et attachante.

Vraisemblablement, "Joker" se profile comme un éventuel Lion d'or et comme un candidat sérieux aux Oscars. Sa bande-annonce laisse voir un film sombre, romantique, inquiétant et passablement lyrique, à l'image de la chanson "Smile". Chanson écrite à partir d'une musique de Charlie Chaplin pour "Les Temps modernes" et enregistrée pour la première fois par Nat King Cole. Ici, elle est interprétée par un autre clown américain, Jimmy Durante.

Brad Pitt en combinaison d'astronaute

Mais "Joker" aura un concurrent de taille dans cette compétition: "Ad Astra", l'ambitieux film de science-fiction de James Gray avec un Brad Pitt revenu au meilleur de sa forme depuis "Once Upon a time...". La star incarne un astronaute qui s'aventure aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu.

Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l'existence humaine, et de notre place dans l'univers. James Gray, Lion d'argent en 1994 avec "Little Odessa", son premier long-métrage, compare son scénario à celui de "Au coeur des Ténèbres" de Joseph Conrad.

Ouverture avec Catherine Deneuve

Les Français ne sont pas oubliés. Robert Guédiguian foulera le tapis rouge avec "Gloria Mundi", où jouent ses acteurs fétiches Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin, tandis qu'Olivier Assayas présentera "Wasp Network" avec Penélope Cruz et Gael Garcia Bernal  – également à l'affiche d'un autre film de la compétition, "EMA" du Chilien Pabloa Larrain. Assayas revient sur l'histoire vraie de cinq espions cubains pendant la guerre froide.

Mais c'est avec les deux plus grandes stars françaises, Catherine Deneuve et Juliette Binoche, que s'ouvrira la Mostra. Dans "La vérité" du Japonais Hirokazu Kore-Eda, Palme d'or à Cannes en 2018 pour "Une affaire de famille", Deneuve joue une actrice tyrannique et Binoche, sa fille scénariste. Les deux comédiennes n'avaient encore jamais joué ensemble.

Où sont les femmes?

Leur présence ne cache pourtant pas une autre réalité: la Mostra, contrairement à Cannes ou Locarno qui ont prêté attention à la parité, reste campée sur un cinéma très masculin. Sur les 21 films de la compétition, seuls deux sont réalisés par des femmes.

>> A écouter, la polémique autour de la parité :

Affiche de la 76e Mostra de Venise.
Polémique à la Mostra de Venise autour de la parité femmes-hommes / La Matinale / 1 min. / le 27 août 2019

Le premier par la Saoudienne Haifa Al-Mansour qui, avec "The perfect candidate", raconte l'histoire d'une jeune médecin qui se présente aux élections municipales et se heurte à un univers d'hommes. Le second est signé de l'Australienne Shannon Murphy qui présente son premier long métrage, "Baby Teeth".

"Le dernier des dinosaures"

Même si le président du jury est une femme, la réalisatrice argentine Lucrecia Martel, cette faible présence a été épinglée par les féministes qui n'ont pas non plus apprécié la sélection en compétition du dernier film de Roman Polanski, "J'accuse", un thriller politique autour de l'affaire Dreyfus, incarné par Jean Dujardin. Le cinéaste de 86 ans, exclu de l'académie des Oscars l'année dernière, étant toujours poursuivi par la justice américaine pour le viol d'une adolescente en 1977.

Un violeur. Deux femmes réalisatrices en compétition. Qu'ai-je raté d'autre?

Melissa Silverstein, fondatrice du groupe de pression Women and Hollywood.

"C'est comme s'ils appréciaient d'être le dernier des dinosaures", a renchéri la réalisatrice Laura Kaehr, coprésidente de l'association suisse SWAN (Swiss Women's Audiovisual Network), citée par le magazine américain The Hollywood Reporter.

Arguments de la défense

Le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, s'est défendu avec les mêmes arguments que l'année dernière: "Nous sommes là pour voir des oeuvres d'art, pas pour juger la personne qui est derrière", a-t-il plaidé à la fin juillet auprès du Hollywood Reporter. Il s'est également justifié en disant que la cuvée 2019 était marquée par une réflexion sur la condition féminine, plusieurs films "révélant une nouvelle sensibilité, même lorsqu'ils sont réalisés par des hommes".

Mais Alberto Barbera a du mal à convaincre, d'autant que la Mostra a annoncé, depuis, la présence dans une section parallèle d'"American Skin", le nouveau film du réalisateur américain de "The Birth of a Nation", Nate Parker, acquitté en 2011 du viol d'une étudiante, qui s'est suicidée cinq ans plus tard.

Marie-Claude Martin avec afp

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