Neuf ans après la diffusion du premier épisode de la série, arrêtée en 2015, "Downton Abbey" devient un film. Il est signé Michael Engler, qui avait déjà réalisé plusieurs épisodes, tandis que le scénario a été confié au créateur de la série Julian Fellowes. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, on y retrouve les mêmes acteurs, y compris Maggie Smith qui avait refusé dans un premier temps.
Le film est centré sur la visite du roi et de la reine
Le long-métrage est une sorte de suite du dernier épisode. On est en 1927, soit un an après la grève générale qui oppose le monde ouvrier britannique au patronat et au gouvernement conservateur de Stanley Baldwin. Les aristocrates Crawley et leurs domestiques s'apprêtent à vivre un événement de taille: la visite du roi George V et de la reine Mary. Leur venue va déclencher scandales, intrigues amoureuses et manigances qui pèseront sur l'avenir même de Downton.
Récompensée aux Golden Globes et Emmy awards américains comme aux Bafta britanniques, "Downton Abbey" a été vu par environ 120 millions de personnes dans plus de 200 pays.
Mais cette série, les critiques l'avaient déjà constaté à l'époque, a une particularité: elle ne fait jamais allusion à la religion, pourtant omniprésente dans l'aristocratie britannique de l'époque. En six saisons, pas une scène d'office religieux, pas même une petite prière du soir, rien, rien!
Même le titre était suspect
Ce fait n'est pas dû au hasard. Comme l'avait révélé le conseiller historique de la série, Alastair Bruce, les responsables de la chaîne anglaise ITV avaient exigé des producteurs "qu'ils laissent la religion en dehors de ça". Pourquoi? Pour ne pas s'aliéner un public de plus en plus athée. Explicitement, ils ont refusé une récitation d'une prière en latin avant le repas et l'usage de napperons en forme de mitre d'évêque. Même le nom de Abbey a failli disparaître, certains imaginant que le titre renverrait au premier usage de ce manoir comme abbaye catholique avant la Réforme anglicane.
Méfiance à l'égard du catholicisme
D'ailleurs, plus généralement, la série omet complètement d'évoquer l'intérêt que l'époque portait au catholicisme. De nombreuses figures célèbres des années 20-30 s'étaient pourtant converties. Dans "Downton Abbey", le catholicisme n'apparaît qu'en termes assez négatifs ou sous le prisme politique de l'indépendance de l'Irlande.
Maintenir le statu quo
Ce refus à évoquer le religieux oblitère surtout un pan important de la réalité historique de l'aristocratie britannique de ce début de siècle, les rituels religieux exprimant ce qu'il convient de faire pour le roi, pour le pays et, surtout, "pour que rien ne change". C'est le religieux qui cimente le statu quo social, justifiant ainsi que chacun reste à sa place. Cet oubli a aussi un impact sur la psychologie des personnages, surtout les domestiques, dont on ne comprend pas toujours les réactions.
Le film sera-t-il aussi "free religion" que la série? Réponse sur les écrans le 25 septembre.
Sujet de Fabien Hunenberger
Adaptation web: Marie-Claude Martin