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Dans l'hôtel 5 étoiles de Christophe Honoré, on choisit la "Chambre 212"

Une scène du film "Chambre 212" de Christophe Honoré. [Jean Louis Fernandez]
Cinéma: Christophe Honoré enchante la "Chambre 212 " / Vertigo / 6 min. / le 15 octobre 2019
Sur une admirable bande-son, le réalisateur de "Plaire, aimer et courir vite" retrouve pour la sixième fois Chiara Mastroianni pour une merveilleuse comédie qui doit autant à Guitry qu'à Demy, à Bunuel qu'à Feydeau.

Christophe Honoré n'arrête pas. Entre une mise en scène au théâtre, une autre à l'opéra, ses livres pour enfants et ses romans pour adultes, le cinéaste de "Chansons d'amour" a eu le temps d'écrire et de réaliser "Chambre 212", une comédie enchanteresse qui interroge le couple et la fidélité à partir du désir sexuel de la femme, en l'occurrence Chiara Mastroianni, sa muse depuis six films.

L'artifice comme révélateur de vérité

Dès le départ, le parti pris de l'artifice est manifeste. Honoré aime le cinéma de studio. Il en fait ici un bel usage dans ce dispositif qui emprunte à l'esthétique de la maison de poupée et du réalisme magique.

Mélange de réalité, de fantasmes et de souvenirs, le film se livre à nous comme un millefeuille. Pourtant, à priori, l'intrigue est simple. Maria décide de quitter le domicile conjugal après que son mari a découvert son infidélité. En vingt ans de couple avec Richard (Benjamin Biolay), cette prof de droit ne veut plus lui infliger le spectacle de ses liaisons multiples. Elle prend une chambre dans l'hôtel en face de leur appartement et observe le désarroi de son époux qui tourne en rond. Elle se demande si elle a bien fait....

Une comédie du remariage contemporaine

Après ce début très vaudeville, Christophe Honoré s'amuse à opérer plusieurs glissements dans son scénario. A commencer par cet appel au merveilleux quand la conscience de Maria s'exprime par la voix de Charles Aznavour et son "Désormais" qui signe les amours mortes. Mais ce n'est pas tout. Dans cette chambre surgissent du passé ses anciens amants, y compris son mari (Vincent Lacoste) à l'âge qu'il avait quand ils se sont rencontrés. Autre fantôme, une prof de piano (Camille Cottin) qui a aimé Richard avant que Maria ne le lui vole.

Après "Plaire, aimer et courir vite" qui évoquait les années sida, Christophe Honoré avait envie de quelque chose de plus heureux.

J'ai un goût très marqué pour la comédie du remariage, tous ces films avec Gary Grant et Katharine Hepbrun qui tournent autour de la conversation amoureuse; des films rapides, aux dialogues drôles et élégants.

Christophe Honoré, réalisateur de "Chambre 212"

Une galerie de maîtres bienveillants

Christophe Honoré a toujours eu ses "Bien-aimés", ces anges gardiens auxquels il aime rendre hommage. Avec "Chambre 212", ils sont nombreux - autant que les amants de Maria - à veiller. On pense à la théâtralité facétieuse d'Alain Resnais. On pense à Guitry pour les dialogues étincelants. A Woody Allen pour la fantaisie inquiète. A Bergman pour son analyse du couple. A Demy, bien sûr, qui avait fait de la légèreté un manifeste. A Blier aussi pour ses audaces de scénario et ses embardées surréalistes "même si je n'ai pas du tout la même vision du rapport homme/femme que lui" précise Christophe Honoré qui montera au printemps prochain à la Comédie Française "Le côté de Guermantes" d'après Marcel Proust.

>> A écouter, le débat cinéma avec nos critiques :

Une scène du film "La Fameuse invasion des ours en Sicile". [Prima Linea Productions – Pathé Films – France 3 Cinéma – Indigo Film]Prima Linea Productions – Pathé Films – France 3 Cinéma – Indigo Film
Débat cinéma / Vertigo / 25 min. / le 9 octobre 2019

Malgré tous ces totems, "Chambre 212", en référence à l'article 212 où les époux se doivent fidélité, est un film très personnel, un vrai bijou "made in Honoré". "Le cinéma d'auteur aujourd'hui a tout à gagner à essayer de trouver la forme la moins solennelle pour raconter des histoires, aussi graves soient-elles. J'ai essayé une forme d'enchantement qui entraîne le spectateur de surprises en surprises, qui le charme. Comme l'austérité est partout, il faut que le cinéma, non pas nous fasse tout oublier, mais nous permette de réfléchir dans un cadre à la fois doux et joyeux".

Propos recueillis par Rafael Wolf

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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