La danse folklorique est considérée comme une des richesses du patrimoine géorgien. C'est dans ce contexte nationaliste et conservateur que le réalisateur suédois d'origine géorgienne, Levan Akin, a situé l'intrigue du long métrage "And then we danced" qui raconte le coming out d'un jeune danseur, Merab. Lequel s’entraîne depuis son plus jeune âge dans le cadre de l’Ensemble National Géorgien avec sa partenaire de danse, Mary. Mais son monde va basculer à l'arrivée du charismatique et insouciant Irakli qui devient à la fois son plus fort rival et son plus grand désir.
Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, puis au festival de Zurich et, récemment à Genève dans le cadre du festival Everybodyʹs Perfect, frappe par la puissance de son message à la fois romantique et politique. Depuis longtemps passionné par les questions de classe et de genre, le réalisateur Levan Akin s'est décidé à traiter de ce sujet qui fâche après avoir été choqué par la violence des agressions homophobes dont on été victimes les organisateurs de la parade LGBT, en 2015, à Tbilissi.
Guerilla style
Tourné à la sauvette, dans des lieux officiellement interdits, le film mêle acteurs professionnels et amateurs pour mieux l'ancrer dans la réalité. "Par exemple, la scène de prostitution a réellement été tournée avec des hommes qui se prostituaient ce jour-là", explique Levan Akin au micro de la RTS. Pour avoir accès aux gens et aux lieux, le réalisateur a usé d'un stratagème: il disait que son scénario racontait l'histoire d'un touriste français en Géorgie qui se prenait d'amour pour la culture locale.
Evidemment, la ruse ne durait pas très longtemps, obligeant l'équipe à changer de lieux rapidement pour éviter la castagne.
Nous avons même engagé des gardes du corps pour nous protéger des agresseurs, des militants d'extrême droite en majorité mais aussi de quelques fondamentalistes religieux.
L'Etat et son double discours
La Géorgie possède pourtant des lois qui protègent les minorités sexuelles "mais elles ne sont pas appliquées", selon le réalisateur. "Nous n'avons eu aucun soutien de l'Etat, les gouvernants ont trop peur de perdre des voix. Ce double discours me gêne. Soit vous soutenez à 100% les lois et vous pouvez prétendre à la démocratie, soit vous ne les faites pas respecter et vous l'assumez haut et fort. L'Etat ne peut pas jouer sur les deux tableaux: prétendre au statut de démocratie, se rapprocher de l'Union européenne et toucher de sa part des aides financières tout en soutenant les mouvements d'extrême droite archaïques et bigots", dit-il.
Si l'Etat joue l'ambivalence, le film a bénéficié du soutien de la société civile et des médias qui connaissent actuellement une période assez heureuse. Avec leur appui, le film sera présenté en avant-première en Géorgie le 1er novembre. Il sera à découvrir le 3 décembre sur les écrans romands.
Propos recueillis par Michel Masserey/mcm