"Tueurs nés", un chaos cinématographique signé Oliver Stone
Grand Format
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Warner Bros / Regency Enterprise / Collection ChristopheL/AFP
Introduction
Dans ce film-choc sorti en 1994, Oliver Stone fustige la violence à l’écran, l’exploitation des histoires dramatiques par les médias et l’aspect lénifiant de la publicité.
Chapitre 1
Dénoncer la starification des tueurs en série
Warner Bros / Regency Enterprise / Collection ChristopheL/AFP
"Tueurs nés" est un film noir et complètement désabusé qui raconte une course-poursuite sanglante à travers les Etats-Unis menée par Mickey et Mallory Knox, un couple de tueurs en série joués par Juliette Lewis et Woody Harrelson.
C'est un film à l’univers électrique, visuellement déjanté, au rythme secoué et secouant, au montage travaillé, jouant de tous les codes visuels.
Oliver Stone y dénonce la starification des tueurs en série, l’ultra brutalité gratuite, la cruauté, la bêtise perpétuellement distillée, image par image, dans nos rétines, dans nos cerveaux. Il dénonce la fascination pour le sanglant, pour les histoires de meurtres et nos esprits voyeurs.
C’est également une critique féroce contre le port d’armes. En 1994 aux Etats-Unis, on compte 230 millions d’armes recensées, 3 millions d’adhérents à la National Rifle Association, l’association des armes à feu, et en moyenne 30'000 décès par arme à feu chaque année.
En 1994, "Tueurs nés" était un film extrêmement juste. Et il l’est encore aujourd’hui.
Chapitre 2
Un scénario de Quentin Tarentino revu et corrigé par Oliver Stone
Warner Bros / Regency Enterprise / Collection ChristopheL/AFP
Mallory est victime de son père incestueux et trouve en Mickey Knox son prince charmant. Le coup de foudre est immédiat. Elle sait qu’il viendra la sauver. Mais Mickey est emprisonné pour vol. Il parvient pourtant à s’évader de la ferme pénitentiaire où il était détenu et revient massacrer les parents de Mallory, lui offrant une liberté toute rêvée. Mickey et Mallory se marient dans la foulée et s’embarquent pour une virée meurtrière à travers l’Amérique. En trois semaines, ils tuent, de sang-froid et sans mobile, pas moins de 52 personnes.
Le récit sordide de leur épopée ne tarde pas à alerter les médias. Ils deviennent des héros avec des supporters et des fans. On leur consacre un livre et leur cavale sanglante est relayée par Wayne Gale, un présentateur de télévision minable, spécialisé dans les histoires de tueurs en série qui raconte à un public avide de sensations morbides les pires histoires de crimes.
Après le meurtre d’un Indien dans le désert, Mallory est mordue par un serpent. La cavale du couple de "Tueurs nés" s’arrête dans le sang. Les voilà emprisonnés. Incarcérés dans un établissement de haute sécurité, Mickey est interviewé par Wayne Gale. L’interview diffusée provoque une émeute sanglante dans la prison. Mickey et Mallory Knox en profitent pour s’évader, gardant Gale comme otage, celui-ci leur assurant la couverture médiatique dont ils ont besoin.
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"Tueurs nés", est, à la base, un scénario de Quentin Tarantino. C'est l’un des trois premiers scénarios de ce jeune réalisateur avec "True Romance" et "Reservoir Dogs". Tarantino s’est adjugé "Reservoir Dogs" avec le succès qu’on lui connaît et a vendu ses deux autres histoires au début des années 90. "True Romance" est réalisé par Tony Scott en 1993.
Oliver Stone, quant à lui, tombe amoureux de "Tueurs nés". Il perçoit qu’il y a là, sous la violence des dialogues et des scènes, quelque chose de plus tangible qu’un film d’action sanguinolent. Quentin Tarantino aime l’esthétique du sang et de la violence qui donnent de la puissance aux images, comme il le confirmera avec "Pulp Fiction."
Mais l’univers socialement engagé de Stone n’est pas celui de Tarantino. Tarantino s’amuse avec la violence alors que Stone la dénonce. Oliver Stone va donc réécrire le scénario avec l’aide de Richard Rutowski et de David Veloz. Ils gardent les dialogues, quasi mot pour mot, mais transforment la matière du script en une critique sociale. Les médias sont épinglés. L’entier de la société américaine est critiqué.
Car l’Amérique est déjà malade de sa violence selon le réalisateur. Dans le livret du film, il explique: "Du 17 février au 27 mai 1994, la télévision américaine a diffusé 45 émissions sur des meurtres, interviewé plusieurs tueurs en série, enquêté longuement sur leurs victimes. La journaliste Diane Sawyer s’est entretenue avec Charles Manson, et Stone Phillips avec Jeffrey Dahmer. Le célèbre animateur Phil Donahue a demandé l’autorisation de filmer et de montrer une exécution capitale.
Des statistiques dignes de foi indiquent que les crimes n’ont pas augmenté depuis les années 70, mais son traitement médiatique a pris des formes et une ampleur nouvelle. Le crime et la violence sont devenus des sujets vendeurs, que les chaînes de télévision s’arrachent. Dès le matin, on vous livre à chaud les images des derniers meurtres en date, vous voyez les cadavres qu’on emmène à la morgue, les ambulances, les voitures de police. Et cela se répète d’heure en heure."
Et c’est cela que cherche à dénoncer Oliver Stone. Cette mise en scène du cirque médiatique et la fascination collective suscitée par les exploits tachés de sang de deux jeunes tueurs infantiles et amoureux.
Mais Tarantino n’a pas conçu son histoire comme une critique sociale, il se fâche et se brouille avec Oliver Stone. Il renie son scénario et demande à ce que son nom n’apparaisse au générique que comme créateur original de l’histoire. Ça n’empêchera pas Tarantino quelques années plus tard dans "Kill Bill" de repomper sans arrière-pensée le style d’Oliver Stone dans "Tueurs nés".
Du scénario originel, Oliver Stone finit par faire un monstre. Un tourbillon de couleurs et de sons, sorte de hachis de gestes et de mouvements, qui donnent l’impression d’un zapping permanent. Mickey et Mallory Knox sont des sortes de Bonnie & Clyde de la fin du 20e siècle dans ce film qu’on peut qualifier de sensationnel, voire de sensationnaliste.
On ne peut plus parler de plans, on parle de sensations. Les images ne cessent d’arriver à l’œil survolté. C’est un clip à la MTV du début des années 90. Une entrée fracassante dans l’univers du cinéma commercial désenchanté, le monde impitoyable, déjà, du multimédia et de l’électronique, des "mass murders" face au "reality show".
Chapitre 3
Oliver Stone, un réalisateur engagé
Keystone
Oliver Stone est un réalisateur américain né en 1946 à New York. C’est papa Stone, agent de change à Wall Street, qui encourage son fils à écrire et l’encourage chaque semaine, contre argent de poche, à rédiger un exposé. Sa mère, de son côté, l’emmène souvent au cinéma en lui permettant de faire l’école buissonnière.
Oliver Stone vient d’une famille aisée, fréquente la prestigieuse école privée pour garçons Trinity School. Il va souvent en France chez ses grands-parents maternels.
Sa mère, française, a rencontré son père alors soldat à la Libération en 1944. A 16 ans, Oliver Stone connaît son premier choc émotionnel. Il apprend de la bouche du directeur de l’école que ses parents vont divorcer. Il en développe une haine de l’hypocrisie. Une haine qu’il transforme en énergie créatrice. La dénonciation des mensonges et de l’hypocrisie sera au cœur de toute son œuvre de cinéaste.
Sauf que cinéaste, il ne l’est pas encore. Il doit d’abord faire la guerre. Ça lui semble être une excellente chose à faire: s’engager pour le Vietnam en 1967, découvrir les drogues, la jungle, l’esprit de corps, la mort et encore une fois, le mensonge.
Car quand il revient après son service militaire, blessé, il apprend à connaître une autre face de l’Amérique qui se moque comme d’une guigne du Vietnam et des soldats sur place, encore plus des vétérans de retour au pays. Ces vétérans qui dérangent alors, comme ils dérangent encore aujourd’hui. Des hommes qui doivent se reconstruire et qui parfois n’y arrivent pas, des hommes qui ont vu des horreurs et à qui on a menti pour les envoyer au casse-pipe. Le mensonge, encore et toujours.
Oliver Stone va se tourner vers ce qu’il connaît, un média qui pourrait dire à la face du monde SA vérité. Un média qui pourrait dénoncer et qui n’est autre que le cinéma.
Il entre en 1969 au New York Film Institute et apprécie son professeur Martin Scorsese. Entre 1969 et 1976, Oliver Stone écrit des scénarios. Il écrit "Platoon", sa propre histoire au Vietnam. Puis il réalise "Seizure", un médiocre film d’épouvante. Il peine à percer. C’est en tant que scénariste qu’il y arrive avec le scénario primé de "Midnight Express" réalisé par Alan Parker en 1979. En 1984, il écrit "L’Année du Dragon" pour Michael Cimino et "Scarface" pour Brian de Palma.
Il peut enfin réaliser son film. Ce sera "Platoon" en 1986 qui raconte ses souvenirs de soldat et de guerre du Vietnam d’une manière particulièrement réaliste. Il obtient notamment l’Oscar du meilleur réalisateur. Suivent "Wall Street", "Talk Radio", "Né un 4 juillet", "The Doors", "JFK", et "Entre Terre et ciel". Oliver Stone est d’abord un scénariste engagé qui essaye de donner mauvaise conscience à tout le monde. Il dérange et à force de déranger assure sa notoriété de metteur en scène.
Poursuivant son analyse de la société américaine, Stone fait l’hallucinant portrait d’un couple de serials killers qui lui vaudra quelques bricoles avec la censure. "Tueurs nés" arrive dans sa filmographie en 1994.
"C’est plus une forme excessive, quasi burlesque", explique-t-il. "J’avais montré dans "Platoon" et "Né un quatre juillet" les effets d’une balle: c’était obscène, choquant, dégoûtant. Mais ce film ne prétend pas être le portrait documenté de deux tueurs en série. Cela a été fait. Il n’est pas nécessaire d’y revenir. Je voulais davantage parler de l’idée de violence, décrire l’environnement dans lequel s’inscrivent de tels événements. Montrer aux gens qu’ils font partie de ce paysage et que la télévision ne fait rien d’autre que de leur renvoyer leur propre image".
D’ailleurs, Oliver Stone est confronté avec "Tueurs nés" à une explosion de violence, des meurtres, perpétrés par de jeunes gens ayant potentiellement vu le film. Le film qui dénonce la violence est-il générateur de celle-ci?
Voici la réponse d’Oliver Stone dans une archive RTS de 1994: "Je regrette ce meurtre, les meurtres en général, la mort et je compatis avec ceux qui souffrent. Mais je ne crois pas que mon film en soit responsable. Ces gamins l’ont peut-être vu, ou peut-être pas… qui sait ? Ils ont peut-être trouvé ça sympa ou pas? Mais la violence était en eux. Bien avant qu’ils aillent au cinéma. Dans leur attitude par rapport à la société.
Le cinéma touche les gens de plein de manières, mais les films ne sont pas des armes. Les armes, elles, tuent des gens.
Chapitre 4
Un tournage hors du commun
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A la seule vue de Woody Harrelson, 33 ans à l’époque, le réalisateur sait qu’il tient son personnage. Stone est un habitué de la violence. Son passage dans la tourmente du Vietnam lui a appris à reconnaître la lueur de folie particulière qui danse dans les yeux et qu’il reconnaît chez Woody Harrelson. Une violence latente.
Accessoirement, le fait que le père de Woody Harrelson, Charles Voyde Harrelson soit en prison pour plusieurs meurtres en tant que tueur à gages, dont celui d’un juge fédéral, ajoute du piquant et du vécu à l’histoire que devra incarner le jeune comédien.
Le choix de Juliette Lewis pour Mallory, actrice instinctive à l’allure juvénile et sexy, est certainement une des plus judicieuses réussites du metteur en scène. Comme d’ailleurs le fait de lui accorder, quand elle le demande, l’improvisation d’une partie de son dialogue.
A leurs côtés, on trouve encore Robert Downey Jr et Tommy Lee Jones. Le premier prend un accent australien, le second un accent du sud des Etats-Unis. Chaque acteur livre ici une performance spectaculaire.
Le tournage de "Tueurs nés" se passe dans une atmosphère de frénésie totale. Toutes et tous s’accordent à dire que Stone a réussi à créer l’ambiance propice. Sur le tournage, il met de la musique à fond. "Une musique sauvage", dira Woody Harrelson. Et pour ajouter encore à l’état général de stress, les techniciens brouillent la musique, tirent des coups de feu en l’air. Tout semble anarchique. On a l’impression que rien n’est planifié au sens traditionnel. Personne, à part Stone, ne sait où il va.
Il faut donc lui faire confiance et ils lui font confiance. Même quand il fait acheter les plus gros pistolets qu’ils trouvent sur le marché. Même quand Juliette Lewis doit passer des heures à faire du kick-boxing. Même quand il utilise des serpents à sonnette. Des vrais, difficiles à gérer. On les endort, mais ils attaquent quand même. On en remplace quelques-uns par des faux…
Même quand Oliver Stone décide, pour plus d’authenticité, d’aller tourner dans une vraie prison, avec de vrais prisonniers. Toute l’équipe se rend au Stateville Correctional Center de Chicago. C’est là que sont tournées les scènes de l’émeute finale. Les figurants sont de vrais prisonniers, dont certains condamnés à perpétuité pour meurtre. C’est du réalisme apparent à la Oliver Stone. Bref toute son équipe est heureuse de tourner avec lui.
Chapitre 5
Un mélange d' "A bout de souffle" et d' "Orange mécanique"
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Le montage du film est un vrai défi et les chiffres le prouvent: "Tueurs nés", ce sont 3'000 plans, une production de 34 millions de dollars tournée en 53 jours, qui nécessite 11 mois de montage pour en faire un mélange d’"A bout de souffle" et d’"Orange mécanique".
"Tueurs nés" étant une critique frontale de la culture médiatique contemporaine et de l’exploitation de la violence par les médias, Stone joue du choc des images. Ses options esthétiques et techniques sont bluffantes: il mélange tout.
Images de documentaires en noir et blanc, de caméra de surveillance, d’animation, de filtres, de schémas de couleur, d’effets spéciaux, de parodie, de programmes télévisés, de fragments de séquences publicitaires. On y trouve du morphing, du stop motion, des cadrages inclinés, des ralentis, des cartoons, de la télé-réalité, des sitcoms. Il utilise des images d’autres films.
On reconnaît "La Horde Sauvage" de Sam Peckinpah, "Midnight express", "Scarface", "Frankenstein", ainsi que des images historiques, les actualités avec les méchants de l’histoire Hitler, Staline, la guerre au Vietnam, en Arménie.
On repère également, et c’est presque plus troublant, de vraies images de tueurs en série. Charles Whitman, tueur de 32 personnes en 1966 à l’université du Texas, Ted Bundy, kidnappeur, violeur, et nécrophile, Gary Ridgway, le tueur de la Green River, assassin de plusieurs dizaines de jeunes femmes, et Charles Manson.
En fait Oliver Stone utilise toutes les techniques de l’image et du son à sa disposition pour créer un espace de mal-être.
"Nous avons voulu aller aussi loin que possible et tenter des choses", explique le réalisateur dans le livret du film. "On a intégré le côté médiatique parce que Mickey et Mallory sont des produits de l’âge de la télévision. Ils ont entre vingt et trente ans, ils ont grandi devant le petit écran. Ils s’y reconnaissent. Le rythme est donné par les meurtres, par la folie des deux amants qui, ensemble font plus de 50 victimes, tout en laissant à chaque fois quelques témoins pouvant rendre compte de leurs activités de jeunes mariés".
En bousculant les conventions narratives, Oliver Stone entend à la fois alerter, choquer, désorienter et informer. Tendre au spectateur un miroir, refléter les excès d’une société déchirée par ses contradictions. "Tueurs nés" brouille délibérément la frontière entre réalité et émotion. Un chaos cinématographique.
Le réalisateur passe 11 mois dans le chaos de ce montage, tout en restant connecté à l’actualité du monde extérieur. C’est ainsi qu’il apprend, pendant le montage, la cavale d’OJ Simpson, ancien joueur de football américain accusé du meurtre de sa femme dont le procès est suivi en direct sur les écrans. Il mettra les images en question dans son film.
Il apprend également l’histoire de Lorena Bobbitt, une jeune femme qui coupe pendant la nuit une partie du pénis de son mari et s’enfuit. Et puis il y a l’attaque de la secte de Waco, la patineuse Tonya Harding qui attaque sa rivale, l’assassinat de Rodney King par des policiers blancs.
A voir: un sujet du Journal de 20h sur France2 au moment de la sortie du film en septembre 1994 (Archives de l'INA)
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Pour la musique, Oliver Stone va procéder comme dans son film, par juxtapositions, échos, références, pour créer un chaos sonore propre à nous dérouter, comme il le fait avec les images. Sa bande-son est hallucinante et hallucinée, démesurée et complètement contemporaine.
Elle correspond au rythme de "Tueurs nés"."Nous avons utilisé 130 extraits musicaux, battant ainsi, me semble-t-il, tous les records en la matière, explique le réalisateur dans le livret de présentation du film. Je ne voulais pas de compositeur, seulement de la musique d’ambiance.
Chaque scène possède un accompagnement discret. Cela va de l’opéra au hard rock, de la musique rétro à la musique pakistanaise, en passant par Bob Dylan, Leonard Cohen, Nine Inch Nails, Juliette Lewis et Patti Smith. Ces musiques qui parfois s’entremêlent jouent un rôle très important dans le film. Elles libèrent une grande puissance émotionnelle, entraînent le spectateur et lui ouvrent les yeux et l’esprit…"
Chapitre 6
Un film qui fait beaucoup de bruit à sa sortie
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A sa sortie, on l’encense, on crie au génie ou au contraire on l’accuse de tous les maux. On accuse le réalisateur d’utiliser des moyens analogues, identiques à ceux qu’il dénonce. Pour Oliver Stone, "Tueurs nés" est un pamphlet contre notre société, pas étonnant qu’il scandalise.
"C’est la prolifération des images et leur vitesse qui est salvateur", explique-t-il dans les Cahiers du cinéma. "Tout l’investissement du spectateur y passe comme si le film avalait littéralement notre agressivité. Nous sortons, d’une certaine façon, comme dans l’ancien temps, purgés de nos passions obscures".
"Tueurs nés" sort sur les écrans en 1994, non sans récolter au passage le Prix spécial du Jury au Festival de Venise et le Prix de la meilleure actrice pour Juliette Lewis.
Mais ce que le film récolte principalement ce sont des huées. Oliver Stone est littéralement conspué, dans la presse, à la télévision dont il vient de si bien dénoncer les excès.
Oliver Stone fait complètement délirer la société américaine. Ce film hyperviolent devient le catalyseur de toutes les pulsions de haines enfouies sous le vernis de la bienséance. L’apogée des critiques est atteint quand un certain nombre de crimes gratuits sont commis aux Etats-Unis, et même en France, les meurtriers s’inspirant de l’histoire et du mode de pensée de Mickey et de Mallory Knox les héros de Stone.
Les détracteurs sont nombreux… le style délirant de Stone provoque l’effet inverse que celui de la dénonciation voulue par le cinéaste.
A ces critiques, Oliver Stone répond: " 'Tueurs nés' est un film d’action qui fait réfléchir. Les fans de films d’action qui vont au cinéma voir un type dégommer 100 personnes ne s’interrogent pas sur l’éthique du héros ou de la situation. On a le droit de tuer 100 arabes ou des terroristes… on peut tuer le méchant, mais on ne doit jamais remettre en question l’idée de la violence. Dans 'Tueurs nés', c’est le contraire. On ne sait plus qui est bon, qui est méchant. Car la société est souvent bien pire que Mickey et Mallory. C’est ça qui a choqué les puristes". (Archives RTS, 1994)
Quelques voix s’élèvent pourtant pour dire à quel point le cinéaste a réalisé un fantastique travail sur l’image, faisant, non pas un conte de fées moderne, mais un conte de monstres.