"J'accuse": pour savoir s'il faut distinguer l'homme de son oeuvre
Primé au dernier festival de Venise, "J'accuse" débarque sur fond de polémique visant le passé judiciaire de Roman Polanski, dont une nouvelle accusation de viol par la photographe Valentine Monnier en début de semaine. A Paris, certaines avant-premières ont été annulées sous la pression de groupes féministes. "J'accuse" est néanmoins un des meilleurs longs métrages de l'année 2019, une fresque magistrale, filmée par un maître du classicisme et servi par la crème des comédiens français.
Rappel des faits: l'Affaire Dreyfus, qui mêle erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme, dura douze ans, de 1894 à 1906. Douze ans pendant lesquels la France, déchirée entre les pro et les anti, connut une crise politique majeure. Adapté du roman de Robert Harris, "D", le film est autant une reconstitution historique méticuleuse qu'un thriller palpitant porté par un personnage paradoxal, le colonel Georges Picquart (excellent Jean Dujardin) un antisémite ordinaire qui n'aura de cesse d'identifier les vrais coupables et d'innocenter Alfred Dreyfus.
Mais le film, aussi exceptionnel soit-il, n'en crée pas moins le malaise. D'abord parce que Polanski semble faire son autoportrait en victime expiatoire à travers la figure de Dreyfus, ensuite par la reprise du titre de Zola, ce fameux "J'accuse", qui le place en justicier.
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"The Irishman": pour voir rajeunir les octogénaires
S'appuyant sur des personnages ayant réellement existé, "The Irishman" adapte la biographie du syndicaliste et tueur à gages Frank Sheeran, rédigée en 2004 par le procureur Charles Brandt. Effrayés par l'ampleur du budget, les financiers se retirent du projet en 2008. Mais Netflix vient à la rescousse en posant 159 millions de dollars, un budget colossal, le plus important jamais alloué à un film de Martin Scorsese qui s'en est servi pour le rajeunissement numérique de ses acteurs: De Niro, Al Pacino, Harvey Keitel et Joe Pesci. Car "The Irishman", fresque de 3h30, couvre quarante ans d'histoire des Etats-Unis, dont les événements les plus marquants sont liés à la mafia. En dépit de sa boulimie de personnages et de thématiques, cette épopée étonne par son sens de l'épure, du détail et de sa dimension intimiste.
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"Le Mans": pour apprécier un western en voiture de courses
Basé sur des faits réels, "Le Mans 66", de James Mangold, raconte l'histoire du visionnaire Caroll Shelby et du pilote Ken Miles, envoyés par Henry Ford, pour construire un bolide révolutionnaire et renverser la suprématie de Ferrari en gagnant les 24 heures du Mans.
Même les allergiques aux voitures de course peuvent trouver leur compte dans ce film qui montre les manigances des écuries pour gagner, tout en mettant en avant l'aventure humaine. Le duo Matt Damon-Christian Bale fonctionne bien dans ce western automobile filmé à l'ancienne, sans recours au numérique.
"Vif-argent": pour croire à l'amour plus fort que la mort
Juste (Thimotée Robart), jeune homme hagard, s'éveille en pleine nuit aux abords d'une voie ferrée désaffectée. Aux personnes qui le recueillent, il dit souffrir d'être invisible. En fait, il est fantôme sans le savoir. Voilà un premier film très attachant, voire fascinant, qui mélange romantisme et réalisme fantastique autour des Buttes-Chaumont. Malgré ses références parfois un peu appuyées, à Cocteau ou Franju, le film réussit l'impossible: donner un corps aux esprits, effacer la frontière entre visible et invisible, doter les revenants de désir charnel. "Vif-Argent" est le premier long métrage de fiction de Stéphane Batut. Il a reçu le prix Jean Vigo.
"Le Traître": pour en finir avec la fascination de la mafia
L'histoire du repenti le plus célèbre d'Italie, Tommaso Buscetta, témoin clé du procès qui a abouti en 1987 à la condamnation de centaines de mafiosi siciliens. Plongée fascinante dans l'histoire de Cosa Nostra, "Le Traître" se distingue du film de genre par son lyrisme, son épure, et l'intériorité de son "héros" qui se hisse au niveau d'un personnage de tragédie.
"Un opéra mafieux – avec les chœurs de "Nabucco" à la lecture du jugement –, un grand spectacle documenté et intime, où le crime et l'action sont davantage rapportés que montrés", selon Raphaële Bouchet. "Une fresque flamboyante et magistrale qui révèle le visage mortifère de la mafia" pour Rafael Wolf. Et pour Philippe Congiusti: "Une fresque captivante, le portrait du mafieux Buscetta: ni un monstre, ni un héros, juste un homme, le plus grand mystère de Cosa Nostra".
"La belle époque": pour jouer à remonter le temps
Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée quand on lui propose une attraction d'un genre nouveau: replonger dans l'époque de son choix. Il décide de revivre la semaine où il a rencontré son grand amour.
Comédie sentimentale et grinçante sur le temps qui passe, "La belle époque" est un mixte entre "Un jour sans fin" et "The Truman Show". Nicolas Bedos croit au pouvoir consolateur de la fiction, et c'est émouvant.
"Joker": pour vous scotcher à l'écran de la première à la dernière seconde
Brûlot contre les médias, les élites politiques et une société qui aura perverti le rêve américain en cauchemar macabre, le film de Todd Philipps est un portrait frontal et perturbant de notre époque. C'est aussi un bel objet de réflexion: qu'est-ce qui déclenche la violence? Comment y répondre? Avec un Joaquin Phoenix proprement hallucinant. Un film qui s'inscrit durablement dans la mémoire.
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"Au nom de la terre": pour comprendre le désespoir des agriculteurs
"Au nom de la terre" d'Edouard Bergeon est inspiré d'une histoire vraie, celle du père du réalisateur, un exploitant agricole criblé de dettes pour qui la seule issue aura été de mettre fin à ses jours. Le film embrasse 40 ans d'une famille d'agriculteurs et accompagne la longue détérioration du milieu agricole.
Le film a reçu un accueil glacial de la presse parisienne, mais frôle les 2 millions de spectateurs en France. "Au nom de la terre" est devenu un phénomène de société, le porte-voix de ceux qu'on n'écoute jamais et l'emblème du malaise qui règne dans le milieu paysan. Un film plus fort que le cinéma.
>> A lire : "Au nom de la terre", la saga familiale que plébiscitent les agriculteurs
"Hors norme": pour ne plus avoir peur de l'autisme
Éric Toledano et Olivier Nakache ("Le Sens de la fête", "Samba", "Intouchables") traitent d'un sujet grave: l'inclusion des autistes dans notre société. Ils le font avec autant d'humanisme que de légèreté, de précision documentaire que d'embardées comiques.
>> A lire : "Hors normes", une comédie dramatique qui illumine l'autisme et Les films que RTS Culture vous recommande
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