Lise Bataille (Mélissa Guers) a-t-elle tué, ou pas, sa meilleure amie après une fête bien arrosée? Nous sommes deux ans après les faits. Seule accusée de l'affaire, la jeune fille de 17 ans s'apprête à comparaître à son procès aux assises. Le bracelet du titre n'a donc rien d'un bijou, c'est le signe de sa liberté surveillée.
Le fait divers argentin dont est tiré le scénario a déjà donné lieu à un film ("Acusada", de Gonzalo Tobal, sorti l'an dernier), que le réalisateur n'a pas vu. "C'est le coproducteur français de ce film qui m'a proposé d'adapter cette histoire à mon tour, explique Stéphane Demoustier. J'aime les films de procès, car la tension se crée autour de l'attente du verdict. Mais je ne voulais pas m'enfermer dans une mécanique."
Tendu de bout en bout, "La Fille au bracelet" ne s'extirpe que rarement de la salle d'audience. Stéphane Demoustier filme avec une rigueur implacable les visages, les regards et la parole de chacun - de l'avocate générale hargneuse et jugeante (Anaïs Demoustier, par ailleurs sœur cadette du cinéaste) aux parents désemparés face à la vie secrète et sulfureuse de leur fille (Roschdy Zem et Chiara Mastroianni).
Le gouffre des générations
Le film ne se cantonne pas à une intrigue façon "whodunit", il explore un gouffre, celui qui semble séparer les générations. Il raconte aussi l'immense solitude de ses personnages, rarement réunis dans un même cadre. "Dans le fond, c'est un portrait en creux d'une jeune fille de 17 ans, observée par les autres comme un continent étranger et incompris des générations plus âgées. C'est ce mystère-là que je voulais partager."
Quitte à prendre le risque de ne pas créer d'empathie immédiate pour l'accusée qui, le regard dans le vide, semble indifférente au monde. "Lise ne se conforme jamais à l'attitude qu'on attend d'elle, ce qui peut dérouter. Mais pour moi, à partir du moment où les personnages ont leurs raisons, ils n'ont pas besoin d'être sympathiques."
"La Fille au bracelet" impressionne par sa justesse, par sa manière de rebattre constamment les cartes. "En fait, le spectateur vit le procès comme s'il était lui-même juré, poursuit le cinéaste, il n'a accès qu'à la vérité qui est exposée face à la Cour. Il n'y a pas de rebondissement qui ferait surgir la vérité. Chacun a la liberté d'investir cette histoire comme il l'entend, moi, je n'impose rien, je ne voulais surtout pas être omniscient."
Sujet radio: Rafael Wolf
Adaptation web: Raphaële Bouchet/ld